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Avature

Depuis des années, les organisations RH cherchent à étendre leur influence stratégique, mais nombre d’entre elles restent coincées par la complexité opérationnelle, des systèmes obsolètes et un manque de pouvoir d’action. Lors d’un épisode récent de The Talent Transformation Podcast, Mark Stelzner, fondateur et managing principal d’IA, un cabinet de conseil en transformation des RH, s’est entretenu avec Dimitri Boylan pour discuter des défis que rencontrent les responsables RH : mener à bien la transformation numérique, obtenir l’adhésion de la direction et surmonter l’inertie organisationnelle.

Au-delà de la technologie, leur échange a porté sur le leadership, l’influence et le rôle évolutif des RH dans la construction de l’avenir des organisations. Fort de ses années d’expérience aux côtés de leaders et cadres supérieurs sur des projets de transformation, Mark Stelzner a partagé avec nous des enseignements précieux, soulignant l’importance de la clarté stratégique, des partenariats internes et du storytelling pour défendre un rôle élargi des RH. Dimitri Boylan a, quant à lui, souligné que renforcer l’autonomie des RH est essentiel pour qu’elles retrouvent leur force intrinsèque.

Plongeons-nous dans leurs réflexions.

La transformation des RH commence par une hypothèse, mais cela ne suffit pas

L’un des thèmes centraux de la discussion a été la difficulté pour les organisations de définir un objectif final clair et atteignable dans le cadre de leur transformation numérique. Mark Stelzner a expliqué que de nombreuses entreprises se lancent dans des processus de transformation en se basant sur une hypothèse formulée par des consultants ou des pairs du secteur, plutôt que d’une compréhension introspective et approfondie de leurs besoins spécifiques.

Plutôt que d’ancrer la transformation dans une vision figée, Mark a invité les leaders à dépasser les hypothèses génériques et à adopter une approche de planification par scénarios. Cette perspective souligne le caractère fondamentalement évolutif des organisations :

Nous pensons savoir où nous voulons aller, mais cela suppose que ce que nous sommes aujourd’hui correspondra à ce que nous serons dans l’avenir que nous envisageons », a-t-il déclaré. « Et s’il y a bien une chose que nous savons, c’est que les organisations sont dynamiques. La clé réside donc en partie dans notre capacité à nous projeter dans des scénarios représentant notre état futur. »

Mark Stelzner
fondateur et Managing Principal d’IA.

Grâce à cette approche, les organisations peuvent s’adapter en continu, plutôt que de s’enfermer dans une vision finale potentiellement dépassée au moment où elles y parviennent.

Comment surmonter les difficultés liées à l’exécution

Même lorsque les responsables RH disposent d’une vision claire de la transformation, ils manquent souvent du soutien nécessaire au sein de leur organisation. L’un des principaux obstacles auxquels sont confrontées de nombreuses grandes organisations réside dans le décalage entre leurs aspirations stratégiques et leur réalité opérationnelle.

Les responsables RH doivent donc adopter une approche stratégique pour définir leurs priorités. Mark Stelzner a cité l’exemple d’une marque internationale comptant 867 projets RH en cours lorsque son équipe a été sollicitée.

« Personne ne peut mener à bien 867 initiatives », a-t-il expliqué. « Nous avons donc procédé à une définition rigoureuse des priorités. Nous avons identifié les capacités qu’il fallait pour jouer et celles qu’il fallait pour gagner la partie. »

Outre la distinction entre les initiatives à visée opérationnelle et celles qui procurent un avantage concurrentiel, Mark Stelzner a insisté sur le fait que chaque projet doit être directement relié à des résultats commerciaux mesurables. C’est, selon lui, la condition pour obtenir le soutien du conseil d’administration et des autres parties prenantes.

Ce lien entre les initiatives RH et les objectifs stratégiques de l’organisation est essentiel pour justifier les investissements et impulser un changement significatif. Dimitri Boylan a également souligné que les RH se heurtent fréquemment à des priorités concurrentes émanant des services informatiques, financiers et autres. Plusieurs facteurs, notamment la complexité des dynamiques organisationnelles contribue à marginaliser les initiatives RH :

Si vous arrivez dans un service informatique avec une idée pour renforcer la culture d’entreprise à l’aide de la technologie, vous vous retrouvez en concurrence directe avec une initiative génératrice de revenus. Et dans cette bataille, vos chances de l’emporter sont minces. »

Dimitri Boylan
CEO d’Avature

Le storytelling : le superpouvoir des RH

Mark Stelzner rappelle qu’au-delà de leur participation à la planification stratégique, les leaders RH doivent être capables de porter un message fort pour réussir leur transformation fondamentale. De plus en plus, on constate que les leaders RH occupent déjà un rôle stratégique. Mais pour ceux qui peinent à s’affirmer, le storytelling peut devenir une arme puissante pour influencer la direction, en élaborant un récit qui fait écho aux attentes de toutes les parties prenantes.

« Tout repose sur le storytelling », affirme-t-il. « C’est étayé par des données et des faits, mais aussi soutenu par de l’énergie et une finalité. Une fois libérée, la capacité de narration des RH est sans égale. »

Contrairement à d’autres fonctions, l’impact des RH est profondément humain. « Nous ne faisons que raconter des histoires », explique-t-il. « Nous avons tous été recrutés. Nous avons tous été onboardés. Nous avons tous tenté de mettre à profit nos avantages sociaux. Nous voulons tous être rémunérés, progresser, nous développer. Nous sommes tous passés par là. »

Dès lors, les RH gagneraient à formuler leur impact dans un langage qui parle aux autres leaders :

Je n’attends pas des RH qu’elles soient la fonction la plus technique. Ce rôle incombe aux services informatiques. Mais j’attends de vous que vous ayez une vision des capacités que vous souhaitez exploiter à l’avenir. »

Mark Stelzner
fondateur et Managing Principal d’IA.

Transformer une vision ambitieuse en plans concrets

Dans le contexte économique tendu actuel, le pouvoir décisionnel s’est recentré au sommet de la hiérarchie. Des initiatives qui relevaient autrefois des responsables de départements doivent désormais obtenir l’approbation de la direction générale. Cette centralisation freine l’exécution et nuit à l’agilité.

Pour y remédier, Mark soutient que la véritable valeur réside dans l’élaboration de cas d’usage concrets et sur la manière dont la technologie peut apporter des améliorations significatives, telles que des gains de productivité, l’amélioration du vivier de talents et l’impact financier.

Le défi des RH consiste donc à consolider leur place autour de la table des décisions et à traduire leurs ambitions stratégiques en actions concrètes. Cela suppose une compréhension approfondie des objectifs à long terme de l’entreprise, de l’état des projets en cours, des compétences et capacités de la main-d’œuvre et des contraintes opérationnelles existantes.

Le partenariat RH-informatique : de la transaction à la transformation

Tout le monde sait que la relation entre les fonctions RH et informatiques constitue un levier essentiel de la transformation numérique. Trop souvent, les RH doivent composer avec une multitude de technologies standardisées qu’elles n’ont pas choisies, ce qui engendre inefficacité et perte d’opportunités.

C’est pourquoi, dès lors qu’elles sont habilitées à décider, les RH doivent dépasser le simple rôle de « consommatrices de systèmes » pour envisager la technologie comme un outil d’activation stratégique. Dimitri Boylan souligne que les organisations les plus avancées ont forgé un partenariat unique entre les services RH et informatiques, en renommant et en redéfinissant totalement la relation :

Il ne s’agit pas simplement d’acheter différentes technologies pour exécuter diverses tâches. Il s’agit de concevoir un produit permettant aux RH de proposer une expérience. Et d’atteindre un objectif commercial grâce à cette expérience. »

Dimitri Boylan
CEO d’Avature

La prochaine étape des RH : de simples utilisateurs à architectes numériques

Les RH sont à un tournant décisif. Leur défi ne se limite plus à adopter de nouvelles technologies, mais à piloter la conception et la mise en place d’expériences numériques au service de la stratégie en matière de main-d’œuvre.

Selon Dimitri Boylan, de nombreux leaders RH disposent aujourd’hui de profils techniques ou entrepreneuriaux qui leur permettent d’apporter une nouvelle vision de la transformation. Lorsque l’impact des RH est pleinement reconnu par les instances dirigeantes, cela favorise non seulement la performance globale de l’entreprise, mais aussi l’émergence d’un leadership transversal.

Pour conclure l’épisode, Dimitri Boylan a souligné l’importance d’accorder plus de liberté aux RH afin qu’elles puissent retrouver leur véritable force et se transformer en catalyseur stratégique pour l’avenir de l’organisation. D’après lui :

Les RH doivent pouvoir agir avec plus de liberté et prendre le contrôle de la transformation. C’est aux instances dirigeantes de leur accorder une certaine confiance pour leur permettre de prendre l’élan nécessaire. »

Dimitri Boylan
CEO d’Avature

Dimitri Boylan

Bienvenue dans ce nouvel épisode de The Talent Transformation Podcast. Nous recevons Mark Stelzner. Fondateur et managing principal d’IA, cabinet de conseil en transformation RH, et un leader reconnu dans le domaine des technologies RH et de la transformation. Mark, merci d’être avec nous.

Mark Stelzner

Je suis ravi d’être là.

Dimitri Boylan

C’est un vrai plaisir de vous accueillir. Mark, pouvez-vous nous parler un peu d’IA ?

Mark Stelzner

Alors, nous faisons essentiellement trois choses. D’abord, nous aidons les cadres dirigeants des entreprises du classement Global 1000. Nos clients comptent en moyenne 75 000 employés dans plus de 70 pays. Les cadres ont des difficultés pour la priorisation, la dotation en ressources leur modèle opérationnel. Que faire, dans quel ordre, quelles interdépendances ? Comment sécuriser capital, coûts opérationnels et ceux liés aux opportunités pour servir la stratégie ? Toutes les analyses de rentabilisation que nous avons faites ont été approuvées. C’est une bonne histoire à raconter.

Dimitri Boylan

Très bien.

Mark Stelzner

Puis, une fois que l’on a une vision claire de l’objectif, comment déconstruire ce paysage fournisseur impressionnant, vous y compris, pour trouver le meilleur qui sera un catalyseur pour atteindre les objectifs ? Donc des appels d’offre, des ateliers en plein processus d’appel d’offre. Un processus d’achat cloisonné, ne mène pas à des relations durables. Donc appels d’offre. Et ces huit ou neuf dernières années, on s’est orientés sur l’optimisation. Pour que les personnes aient les bons outils, les bonnes technologies, et disposent de ressources très intelligentes, mais leur façon de travailler manque d’harmonie. Alors on fait une déconstruction minutieuse de l’existant, puis on reconstruit les processus futurs. Ensuite, on priorise les projets, programmes, initiatives, remédiations. Comment progresser de manière ciblée dans les domaines où on veut gagner ? Voilà notre métier. On est farouchement indépendants, et ça fait 19 ans qu’on fait ça.

Dimitri Boylan

Eh bien, ça fait beaucoup.

Mark Stelzner

C’est énorme.

Dimitri Boylan

Oui. Je ne sais pas trop par où commencer… Réfléchissons quelques instants. Donc, vous intervenez dans des entreprises qui sont assez anxieuses à l’idée d’opérer leur transformation numérique. Il est fort probable qu’elles aient déjà lancé une transformation numérique quand vous les rencontrez. Car je pense qu’il est rare qu’un client ne soit pas déjà engagé depuis quelques années dans une transformation numérique. Mais j’ai l’impression qu’ils restent quand même pris dans un ensemble de systèmes dont la valeur est discutable. Et ils peinent encore à comprendre véritablement à quoi cette transformation est censée ressembler. Est-ce que vous avez l’impression qu’ils vous disent non seulement qu’ils sont en pleine transformation, mais aussi qu’ils sont incapables de décrire l’objectif final ?

Mark Stelzner

Je pense qu’ils ont une hypothèse assez forte. Cette hypothèse est souvent influencée par des cabinets de conseil, leur expérience vécue et les échanges avec leurs pairs. Donc il y a cette idée que les équipes RH doivent être plus souples, plus compétentes techniquement, et fournir des ressources numériques. Il faudra revenir sur cette notion de transformation numérique. Je me demande si les organisations sont réellement conçues pour une transformation numérique complète, mais on y reviendra. Donc oui, ils ont un point de vue. Mais ce n’est qu’une hypothèse. On pense savoir où l’on veut aller, mais cela suppose que l’on restera la même organisation dans ce futur envisagé. Or, on sait très bien que les organisations sont fluides, dynamiques, et qu’on est incapables de faire des prédictions. Donc une partie du défi, c’est d’essayer de se projeter dans certains scénarios qui représenteraient cet avenir. Puis de déterminer, à partir de ces scénarios… On est des planificateurs de scénarios professionnels en fait. Le meilleur usage, le plus stratégique, des équipes et ressources pour atteindre cet objectif. Et en réalité, il existe des combinaisons infinies, ce qui provoque une paralysie. Il faut vraiment identifier les domaines où la différenciation va vous faire gagner, valoriser votre fonction, vous distinguer de vos concurrents. C’est le plus difficile, honnêtement, atteindre ce niveau d’alignement, qui peut s’éloigner complètement de l’hypothèse de départ.

Dimitri Boylan

Exactement. Et c’est un point que je répète souvent quand je dis qu’il faut trouver cet avantage compétitif durable. Vous savez, le… Le problème pour certains de mes clients, c’est que le champ dans lequel ils doivent opérer le changement est immense. Et ils traînent une lourde dette technique. On appelle ça ainsi en technologie. Des logiciels doivent continuer de servir, mais ils ne sont plus adaptés.

Mark Stelzner

C’est ça.

Dimitri Boylan

Avec beaucoup de solutions de contournement. Et en même temps, les clients peinent à s’y retrouver parmi ce que propose le marché.

Mark Stelzner

Exact.

Dimitri Boylan

D’accord. Du coup, difficile d’ignorer le battage médiatique provenant de l’industrie du logiciel. Et il leur faut composer avec des centres de pouvoir bien ancrés dans l’organisation, ce qui complique les changements. Donc est-ce que vous… ? Et la seule fois où on échappe à cela, c’est lorsque l’on se situe au niveau du CEO de l’entreprise. Parce que lui, il peut passer outre. Mais en dessous, les gens sont englués dans tout cela. Vous travaillez surtout avec le CEO ou plutôt avec le CHRO ?

Mark Stelzner

Notre porte d’entrée principale, c’est plutôt le CFO, le CPO, le CTO. Le CEO fait évidemment partie du processus, car c’est indispensable. C’est intimement lié à la direction que prend l’entreprise. Mais je dirais que parfois, cette prise de hauteur dessert la réalité à laquelle l’organisation est confrontée. Autrement dit, on peut fixer une destination artificielle, du genre : « au 3e trimestre 2025, nous voulons atteindre tel objectif ». Mais sans comprendre les projets, les programmes et les initiatives qui monopolisent vos équipes, les compétences et capacités réelles de ces équipes, ou la différence entre capacité et compétence… Sans comprendre les moyens qui permettront d’atteindre cet état futur, ni les capacités naissantes, parfois cachées, dans les investissements que vous avez déjà réalisés. On parle un peu ici d’un jeu d’échecs en 3D, où l’on essaie… Toutes les pièces se déplacent en même temps sur l’échiquier. Parfois, on ne distingue plus le vainqueur.

Dimitri Boylan

Vous arrive-t-il de simplement parler… de retrouver l’énergie entrepreneuriale au sein de l’organisation ?

Mark Stelzner

Oui, c’est une remarque intéressante. Il y a quelques années, sans nommer la société, on travaillait avec une très grande marque qui avait dépensé 95 millions de dollars pour une transformation des personnes. Ils avaient travaillé avec un cabinet de conseil redoutable et renommé. Ils étaient bloqués. J’ai été chargé de rencontrer la direction et le conseil d’administration. Le nouveau CEO s’est assis à la table, la CFO sur son téléphone, les membres du conseil vérifiant leurs e-mails.

Dimitri Boylan

Classique.

Mark Stelzner

Personne n’était concentré. Vous avez sûrement déjà assisté à ce genre de réunion. Mais ce qui a vraiment capté l’attention de l’équipe, c’est quand j’ai demandé au nouveau CEO de définir son « vrai Nord ». Quel est votre « vrai Nord » ? Quelle est la chose qui, quand vous naviguez dans la complexité de votre travail, avec des informations imparfaites, vous sert de « vrai Nord » ? Et quel est celui de l’organisation ? Est-ce que les deux s’alignent ou pas ? Existe-t-il une dissonance entre les deux ? Ça a figé la salle de façon assez fascinante. Téléphones posés, têtes relevées, c’était le moment pour ce CEO, en poste depuis six semaines à peine, de définir ce qu’il avait hérité. Mais il était clair, qu’il n’avait pas encore indiqué ce qu’était son « vrai Nord », ni celui de l’organisation. Et une fois qu’il l’a fait, on a su ce vers quoi on allait. On a su comment le diffuser dans l’organisation. On savait s’il s’agissait d’un objectif ambitieux, inspirant, ou bien factuel. On pouvait mesurer les progrès, et restructurer tout le programme, ce que l’on a fait. Et au bout de six mois, on s’est « auto-renvoyés ». Ce qui est étrange… Notre philosophie à nous, c’est de se retirer. Notre job, c’est de vous faire démarrer, vous enseigner des méthodes, de vous offrir un miroir, et je suis sérieux là-dessus, duquel vous ne pouvez vous détourner. Est-ce votre vérité ? Ou l’image de la vérité que vous projetez ? Est-ce l’identité recherchée ? Et si ce n’est pas le cas, il nous revient à tous de changer cette destination. Parfois, ce que l’on constate à ce niveau de l’organisation, c’est que les vérités sont rarement dites.

Dimitri Boylan

Oui. D’ailleurs je dirais que… quand je pense à l’esprit entrepreneurial, je vois que beaucoup de nos clients montrent ce trait, mais ils sont dans une organisation qui ne répond pas à cela. Quand je pense à une grande organisation, je le fais avec mon propre vécu. J’ai toujours été entrepreneur. Et les entreprises que j’ai créées étaient de taille plus modeste, évidemment. Mais j’ai côtoyé beaucoup de start-ups et de sociétés entrepreneuriales. Et on ne peut pas décréter ce comportement. On ne peut pas… Il faut… Le meilleur dans une start-up, c’est que vous savez qu’il va y avoir du changement. Et ceux qui conduisent ce changement y sont totalement dévoués, ils ont la liberté.

Mark Stelzner

Oui.

Dimitri Boylan

Vous voyez ? Et cette liberté les rend enthousiastes, et ils débordent d’énergie, n’est-ce pas ? Un des problèmes que je vois dans la transformation numérique, c’est que… Le CEO ne la fait pas, en fait. Il ne fait pas lui-même la transformation. Il transmet aux autres ce qu’il veut qu’ils fassent. Mais si vous avez des gens dans l’organisation vraiment motivés pour changer… Je vois plutôt le processus ainsi : comment me mettre en retrait et les laisser faire ? Je propose juste une approche non hiérarchique. Vous croyez que c’est possible ?

Mark Stelzner

Absolument. Et surtout dans la fonction RH. Le problème, c’est que beaucoup de tâches en RH ne sont pas entrepreneuriales. Ce sont des obligations de base. Et quand on place une personne avec un esprit entrepreneurial dans une fonction opérationnelle… Ce n’est pas une généralité RH mais c’est le cas d’une grande partie. Cet état d’esprit se perd, tout comme ce sens de l’expérimentation, tout comme cette envie de faire des sprints, d’échouer aussitôt, et d’apporter de nouvelles idées, parce qu’honnêtement on croule sous ce poids. Alors comment s’en relever ? Quand vous portez 5 ou 6 casquettes et que vous savez qu’il y en aura d’autres, car les équipes RH se réduisent de plus en plus. Et c’est ça qui est, et je le pense sincèrement, déchirant dans ce métier de l’humain, les RH n’ont jamais de répit. Ça ne devient pas plus facile.

Dimitri Boylan

Tout à fait, elles n’ont jamais de répit. J’ai l’impression qu’il y a pas mal d’énergie entrepreneuriale au sein des RH.

Mark Stelzner

C’est certain.

Dimitri Boylan

Oui. Je pense qu’il y a un vrai défi… avec la direction, sur la capacité à vraiment agir, à mettre en œuvre ce qu’ils aimeraient. C’est mon sentiment en discutant avec beaucoup de dirigeants de grandes organisations RH. Et je le remarque sur un point en particulier : la technologie, parce que je m’y connais plutôt bien dans le domaine, pas mal même, et je les vois lutter avec les équipes informatiques. Vous arrive-t-il… Vous avez dit avoir été introduit dans les entreprises par le CFO, par le CTO. Est-ce que cela vous arrive de passer par le CHRO ?

Mark Stelzner

Oui, assez souvent.

Dimitri Boylan

OK.

Mark Stelzner

C’est souvent le cas.

Dimitri Boylan

Vous les aidez. Vous les aidez. Comment les aidez-vous à se connecter au CEO, au CFO, au CTO, pour concrétiser leurs projets ?

Mark Stelzner

Nous avons cette philosophie : « Notre rôle, c’est de nous tenir à vos côtés. Dans un monde idéal, plutôt derrière vous, mais jamais devant vous. » Tout repose sur le storytelling.

Dimitri Boylan

Oui.

Mark Stelzner

Vous connaissez bien les conseils d’administration, les réunions avec la direction. C’est du storytelling, étayé par des faits et données, mais aussi par de l’énergie, un objectif, et une intention. On est tous là pour accomplir quelque chose. Et, s’il débloqué et libéré, le pouvoir de storytelling des équipes RH est incomparable. Nous ne manquons pas d’histoires. Et nous avons des histoires, qui, en plus, parlent à tout le monde. Peu importe votre statut dans la hiérarchie de l’organisation. Nous avons tous été recrutés. Nous avons tous été onboardés. On a tous voulu bénéficier des avantages proposés. Nous voulons tous être payés, avoir des opportunités de diriger, de grandir, de nous développer. Nous avons tous vécu cela. C’est profondément humain. Une partie du défi, je pense, et ce que vous soulevez, c’est cette idée que, quand on parle de technologie ou de numérisation, soudain les CPO, CHRO doivent se réveiller et devenir experts technologiques. Et beaucoup le sont, d’ailleurs, il faut le dire. Mais ce n’est pas une nécessité. Ce qu’il faut comprendre, ce sont les résultats possibles grâce à la technologie. Il faut réfléchir en termes de cas d’usage. Et c’est là que la technologie pour la technologie, honnêtement, mène à la dette technologique dont vous parliez.

Dimitri Boylan

Oui, c’est ça. Tout à fait.

Mark Stelzner

Absolument. Et si je prends un peu de recul avec la transformation numérique, c’est parce qu’en réalité, une grande partie des collaborateurs de ces grandes et fascinantes organisations mondiales n’ont accès à la technologie que dans le cadre de leur poste. Un travail dans un centre logistique, ou dans une salle stérile d’un labo pharmaceutique, ou dans une usine, vous offre la technologie, mais elle est dédiée à votre rôle. On vous interdit souvent d’apporter vos propres appareils. Pour des questions de rémunération, de sécurité, ou simplement de coût des licences, on ne peut même pas fournir d’adresses e-mail ou d’environnements numériques, alors que c’est techniquement possible. Il y a cette idée que la transformation numérique d’une grande partie du premier niveau n’aura pas lieu. Et ce qui est un peu contre-intuitif, c’est qu’avec des solutions comme la vôtre, qui favorisent l’engagement numérique, je suis sûr que vous avez des tonnes de données, d’études, et même d’indicateurs comportementaux qui montrent que le monde est en réalité plus numérisé qu’on ne le pense.

Dimitri Boylan

Oui, ce qu’on essaie de faire avec notre solution, c’est donner aux RH un rôle plus stratégique dans le numérique au sein de l’organisation. Ce à quoi je reviens sans cesse, c’est… Vous conseillez la direction, n’est-ce pas ? Que leur dites-vous sur ce que doit faire la fonction RH ? Parce que, si vous permettez, d’après ce que j’observe, je reconnais que les RH doivent gagner en confiance pour ce qui est de leurs capacités numériques. Mais je pense aussi qu’ils ont été insuffisamment soutenus par le département informatique, qui a sa propre dette technologique, qui est énorme…

Mark Stelzner

C’est vrai.

Dimitri Boylan

Voilà. Et le… le CFO est un peu transactionnel, alors que les RH cherchent à sortir de ce rôle transactionnel pour aller vers un certain esprit, vers l’aspect culturel, et tous ces éléments plus doux qui ont un impact direct sur la productivité. Alors comment aidez-vous un CHRO à formuler un message qui ne parle pas juste de « modifier le système de gestion des avantages » ?

Mark Stelzner

Je parlais avec un CTO il y a deux semaines, et on abordait précisément ce sujet. Je lui demandais si ça avait un quelconque intérêt pour eux.

Dimitri Boylan

Bonne question pour un CTO.

Mark Stelzner

Parce que vous avez l’e-commerce, l’omnicanal, des projets fascinants à gérer, et il a répondu franchement : « Non, en fait… Pas vraiment. » Et je lui ai dit : « D’accord, et si vous pouviez lâcher prise, et estimer que la fonction RH pouvait s’en charger seule… »

Dimitri Boylan

Là, on touche au vrai sujet.

Mark Stelzner

Exact. « Avec malgré tout… des garanties sur la sécurité, la confidentialité, les intégrations, l’architecture, les données… » Il y a un niveau de normes de surveillance.

Dimitri Boylan

Et vice versa.

Mark Stelzner

Exact. « Quelle serait votre réaction ? » Alors il a répondu : « On peut commencer demain ? » Donc…

Dimitri Boylan

C’est une réponse peu courante. Si vous demandez à mes clients…

Mark Stelzner

Pas forcément rare venant d’un CTO…

Dimitri Boylan

C’est quand même une réponse inhabituelle. Et je pense que les centaines de hauts responsables RH à qui je parle seraient surpris d’obtenir ce type de réponse.

Mark Stelzner

La tech veut garder le contrôle.

Dimitri Boylan

Oui. Disons-le franchement.

Mark Stelzner

Bien sûr. Mais ce que je constate, c’est que dans ce débat opposant capacité et compétence, l’informatique ne veut pas investir dans des domaines qui ne sont pas stratégiques pour l’avenir, ni générateurs directs de revenus, et ceux qui soutiennent des fonctions d’entreprise qui sont des infrastructures essentielles, ne sont pas vraiment perçus comme… les futurs leaders d’opinion dans le domaine technique. Donc si on pouvait libérer de la capacité, comme pour les RH, il y a des gens brillants dans les deux fonctions qui aimeraient sortir de cette situation absurde si elles le pouvaient. Mais on s’est enfermés dans cette prophétie autoréalisatrice avec cette discussion éternelle du conflit Tech vs RH. Et je dis tout cela parce que le trio CFO, CTO, CPO/CHRO est en train de véritablement se rapprocher. Je ne suis pas très « générationnel », je suis de la génération X, mais en voyant ceux dont la carrière a été bouleversée par le COVID, qui ont été épuisés, impactés personnellement, et qui quittent la fonction RH, je vois que la nouvelle génération qui arrive comprend que l’équilibre passe par une gouvernance collective impliquant les trois parties. Quand je parle de gouvernance collective, je suis sérieux. Ce n’est pas « ça c’est à moi, ça c’est à vous… »

Dimitri Boylan

Oui, tout à fait.

Mark Stelzner

C’est ce qui se passe à l’intersection. Et je défie quiconque de dire : « Non, je suis seul propriétaire ». Vous n’allez pas prospérer dans l’environnement actuel. C’est ce type de discussions franches que l’on veut construire, des passerelles entre ces fonctions. On ne peut avancer seul. Je n’attends pas des RH qu’elles soient la meilleure fonction technologique. C’est le rôle de l’organisation informatique. Mais je m’attends à ce que vous ayez une vision des capacités que vous voulez développer pour préparer l’avenir.

Dimitri Boylan

Dans les organisations avec lesquelles nous collaborons qui ont le plus de réussite, il existe un vrai partenariat entre les départements RH et informatiques. Souvent, ce partenariat a même été renommé, redéfini. Car ce que les RH doivent faire dans la gestion humaine et la technologie qu’il faut déployer pour cela est bien plus difficile à cerner que l’installation d’un système financier.

Mark Stelzner

Assurément.

Dimitri Boylan

Voilà. C’est plus complexe que bien d’autres sujets. Et ça peut être difficile à défendre face à des projets générateurs de revenus… Car les entreprises doivent penser court terme. Si vous allez voir un service informatique avec une idée pour renforcer la culture d’entreprise à l’aide de la technologie, vous serez en concurrence directe avec leur projet, pour envoyer des messages marketing à des acheteurs potentiels. Clairement, dans ce duel, les RH ont de grandes chances de perdre. Je pense aussi que beaucoup de professionnels RH croulent sous des technologies qu’ils n’ont pas choisies.

Mark Stelzner

C’est possible aussi.

Dimitri Boylan

Ce qui les freine dans leur capacité à accompagner une transformation, qui leur permettrait d’obtenir l’organisation RH stratégique souhaitée. Je n’en fais pas une généralité, car certains clients y arrivent, mais inutile de parler de ceux qui y parviennent.

Mark Stelzner

Bien sûr.

Dimitri Boylan

  1. Donc, parlons de ceux qui n’y arrivent pas. Voilà.

Mark Stelzner

Ça marche.

Dimitri Boylan

Si vous échouez et que vous n’avez pas la vision, la clairvoyance, ni l’énergie nécessaire en interne, il faudra peut-être faire redescendre cela d’en haut. Mais je dis aussi qu’il y a des entreprises où cette énergie existe chez les RH, mais elle est bloquée.

Mark Stelzner

C’est un fait, les RH ont été freinées en matière de budget et de ressources, revenons sur la notion de produit comme moteur dans un instant. Dès qu’on revient à la zone de confort des RH, si je peux l’appeler ainsi, on retrouve le focus sur le collaborateur, la famille, le candidat, les alumni, le responsable… Le leader organisationnel…

Dimitri Boylan

Ce qui est le cœur du métier RH.

Mark Stelzner

Je dirais même que c’est là qu’on doit être. Parce que si on n’est pas là pour notre client, pourquoi alors ? Il faut sortir de notre microcosme et revenir à ce qui nous anime profondément. Je ne dis pas que les RH ne le font pas, mais ils sont distraits. Il faut se soucier de nos clients et de ce qui va être intéressant la réflexion conceptuelle et la cartographie du parcours client qui sont des compétences très intéressantes, sans parler du prompt engineering et d’autres choses que j’aimerais voir chez les RH, c’est que les aspects technologiques à certains égards deviennent secondaires, presque des commodités. Cela ne minimise pas le rôle de la technologie. C’est le moteur. Mais cela permettrait aux RH de retrouver une position de force, pour ceux pour qui c’est difficile en rappelant pourquoi les RH sont là au départ.

Dimitri Boylan

Tout à fait.

Mark Stelzner

Je pense que ce sera intéressant à suivre, car on lutte encore avec cette question : « Comment associer les RH et l’informatique » « Comment rendre les RH plus à l’aise avec la technologie ? » On voit apparaître des équipes numériques…

Dimitri Boylan

Oui, des équipes numériques, les RH, du moins chez nos clients, comprennent que l’on n’achète pas différentes technologies pour exécuter différentes tâches. Il s’agit de concevoir un produit permettant de proposer une expérience. Et de répondre à un objectif d’entreprise grâce à cette expérience. Et ce type de réflexion conceptuelle, admettons-le, n’a pas toujours été le point fort des organisations RH. Mais c’est également le cas pour le département informatique. Quand les RH disent : « Je dois penser comme un designer produit », il leur faut créer un nouveau partenariat avec les équipes informatiques. L’époque du « service informatique s’occupant de la technologie pour vous avec vous simple utilisateur, vous aidant à acheter six solutions prêtes à l’emploi, que vous utiliserez pour… » est révolue. Désormais c’est : « trouvons dans nos deux organisations les bons profils qui vont se réunir et réfléchir dans cette optique de conception entrepreneuriale de produits, sur la manière de concevoir une expérience RH qui reflète la vraie valeur que la fonction peut apporter à l’entreprise ». Et cette valeur est immense.

Mark Stelzner

Quand vous parlez de produit, vous pensez… ?

Dimitri Boylan

Non pas à un produit unique.

Mark Stelzner

Vous parlez de capacité.

Dimitri Boylan

D’une capacité technologique. Une pile technologique ressemblant à un produit, car les RH travaillent avec des humains, qui n’aiment pas passer par plusieurs systèmes. Ils aiment vivre une expérience et si la pile technologie est bien pensée, elle devient presque invisible pour les utilisateurs. Et je reconnais une personne capable de créer un produit ou non. Beaucoup de nos clients ont très peu d’expérience dans ce domaine. Mais les organisations n’ont pas le choix et doivent les laisser faire. Pas le choix, car leurs transformations numériques ne fonctionneront pas s’ils n’aboutissent pas à un produit, et si ceux qui conçoivent le produit ne sont pas ceux qui comprennent ce que doit être le résultat final. Vous obtiendrez un produit inutile. On ne crée le bon produit que si les RH font partie de l’équipe d’architecture de ce produit. Il faut donc revaloriser leurs compétences, leur fournir des technologies leur permettant de penser ainsi. Rappelez-vous qu’ils évoluent et changent, car ils ne sont pas figés. Ce que j’ai remarqué, notamment dans certains de ces podcasts, c’est que ceux qui arrivent dans les RH ne les géraient pas il y a 25 ans.

Mark Stelzner

Puis-je vous poser une question ? Êtes-vous optimiste sur les RH, ou plutôt un peu cynique ?

Dimitri Boylan

Optimiste.

Mark Stelzner

D’accord.

Dimitri Boylan

Je suis très optimiste sur notre technologie, car selon moi, elle va changer la donne pour les RH. Mais je suis aussi optimiste parce que je vois le profil des personnes rejoignant les RH ces 15 dernières années. Et elles sont… Beaucoup d’entre elles sont techniquement compétentes. Beaucoup ont des expériences en dehors des RH, qui sont vraiment… Elles ont été soit entrepreneures, soit ont dirigé une entreprise pour l’organisation. Je pense que c’est aussi parce que la direction reconnaît la valeur des RH et commence à transférer des talents d’autres secteurs vers les RH. J’ai des clients qui dirigeaient les plus grandes divisions de l’entreprise. Et ils sont passés aux RH car l’entreprise fait face à un changement générationnel, à l’engagement des collaborateurs vis-à-vis de la mission de l’entreprise. Et si vous avez 100 000 personnes qui ne sont qu’à moitié engagées dans votre existence, vous êtes à deux doigts de disparaître, n’est-ce pas ? Donc je pense qu’on s’est éloignés de l’image des RH comme simple fonction de back office. Mais je pense toujours que les RH mènent un combat difficile aujourd’hui.

Mark Stelzner

Par rapport à… ?

Dimitri Boylan

À leur capacité à exécuter plus librement.

Mark Stelzner

D’accord.

Dimitri Boylan

OK.

Mark Stelzner

Plus vite et plus librement ?

Dimitri Boylan

« Librement », c’est décider des moments d’accélération et de ralentissement. Parce que je ne… Je pense que « plus vite » suppose que vous savez déjà quoi faire et vous voulez juste le faire plus vite. « Plus librement » signifie donner l’occasion de vraiment piloter la transformation. Si vous… Je ne sais pas si vous l’avez déjà fait…

Mark Stelzner

S’agit-il des contraintes imposées par les autres services de l’organisation qui limitent cette liberté ? Est-ce à cela que vous pensez ?

Dimitri Boylan

Sachez que je viens de sociétés entrepreneuriales, plus petites, où il n’y a pas vraiment ces contraintes. Mais je passe beaucoup de temps, et maintenant l’IA arrive… On met donc beaucoup de… de technologies complexes, mais puissantes dans les mains des RH, ce qui est une bonne chose. L’organisation a hâte d’utiliser l’intelligence artificielle. Donc c’est super. Mais les RH n’ont pas le temps… Les leaders RH n’ont pas le temps de devenir experts en IA. Or ils doivent la promouvoir dans l’organisation à leur façon, et ça, c’est un vrai défi. Et ils vont… C’est un fait. Ils vont faire face à des défis pour faire adopter ce type de solutions dans une grande organisation. Et ils devront présenter des arguments solides quant à leur activité auprès de la direction. La direction doit avoir une certaine confiance dans la fonction RH pour lui permettre de prendre de l’élan.

Mark Stelzner

Et selon vous, cette confiance est faible ou en retard ?

Dimitri Boylan

Je pense qu’il y a encore des difficultés. Absolument. Je le constate avec les sondages ou en écoutant les CHRO avec qui je discute. Je pense qu’ils luttent encore. Et on a toujours des organisations coincées avec, par exemple, des fournisseurs ERP très traditionnels qui veulent fournir toute la technologie à l’organisation.

Mark Stelzner

Oui.

Dimitri Boylan

  1. Et on a des organisations qui, soit dit en passant, ont investi 50 ou 100 millions de dollars pour adopter cette technologie. Donc si vous arrivez en disant : « Ça ne fait pas ce que je veux, ça ne le fera jamais », alors vous devez proposer une alternative. Et pour les RH… C’est un sacré chantier.

Mark Stelzner

Vous diriez que c’est une limite de l’AT ? Je creuse un peu car vous avez raison. Où se situe l’autorité décisionnelle ? D’ailleurs, on constate que l’autorité décisionnelle remonte, non pas par manque d’autorité, mais pour réduire les risques. Ce qu’un VP pouvait décider et acheter en toute autonomie relève désormais de l’EVP. Et l’EVP relève de la direction, qui a même le pouvoir d’assister aux conseils d’administration plus souvent.

Dimitri Boylan

Ce qui est à l’opposé de l’agilité.

Mark Stelzner

Clairement. Et je pense que le capital est rare. Chaque année, on ne peut miser que sur quelques projets. On veut s’assurer de miser sur les bons. Donc on imagine des cycles de vente plus longs. Les décisions prennent plus de temps. Mais je dirais que dans ces entreprises, avec les capacités de bout en bout dont vous parlez, il y a une vraie analyse comparative. Mais l’AT et le recrutement doivent être présents pour faire entendre leur voix, et aussi démontrer qu’une solution sur mesure, séparée, peut apporter une vraie valeur. Et je plaide, je milite ici pour que l’AT fasse partie de cette conversation.

Dimitri Boylan

Le service talents, source de profits importants.

Mark Stelzner

Et je dirais que l’AT et la gestion des talents sont en train de fusionner. On constate que l’AT est absorbée par cette dernière.

Dimitri Boylan

Vous avez mentionné les utilisateurs et leur engagement envers les systèmes. Et la gestion des talents a une grosse crise de non-adhésion aux systèmes mis à disposition des utilisateurs.

Mark Stelzner

Mais échouer à faire la différence et choisir quelqu’un ayant moins d’ensemble de fonctionnalités ou de capacités c’est un échec de narration, selon moi. Dans le sens : expliquez-moi comment l’écart entre, disons, Avature et une solution HCM ERP intégrée est suffisamment significatif pour que le choix de l’un par rapport à l’autre apporte un vrai gain, à quelles populations, pour quels résultats, et dans quels domaines distincts. Et donnez-moi des exemples. C’est comme ça que vos équipes commerciales et d’exécution peuvent les faire monter en puissance, à condition qu’on les invite.

Dimitri Boylan

Eh bien, et…

Mark Stelzner

Et c’est une condition, non ?

Dimitri Boylan

C’est pour ça que vous êtes à cette place maintenant, et… Vous êtes quelqu’un qui conseille la direction. Il y a donc deux choses à faire quand on conseille la direction. Premièrement : vous travaillez avec la fonction RH pour l’aider à avoir un meilleur impact sur la direction.

Mark Stelzner

Oui.

Dimitri Boylan

  1. Faire passer leurs idées pour gagner le respect de la direction. Parce que je vois, j’ai assisté à des réunions de direction, ce sont des moments brutaux. Soyons honnêtes. Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a… Vous savez…

Mark Stelzner

C’est presque animal.

Dimitri Boylan

C’est un environnement sans pitié. Toutes les politesses disparaissent. Les formalités d’usage s’envolent une fois dedans.

Mark Stelzner

Pour ceux qui n’y ont jamais été, c’est choquant et décourageant.

Dimitri Boylan

On se dit qu’ils vont bien se comporter.

Mark Stelzner

Qu’ils auront lu toute la doc en amont.

Dimitri Boylan

Non, non, mais c’est la jungle. Et parfois, les leaders RH qui ne sont pas au niveau du CA arrivent là et semblent surpris par cet environnement.

Mark Stelzner

Je peux raconter une brève anecdote ? On a travaillé avec un grand groupe de sport allemand, et on est intervenus lorsqu’un nouveau CHRO est arrivé. À notre arrivée, tous les projets, programmes, initiatives pour les RH ont été recensés. Il y en avait 867. Personne…

Dimitri Boylan

Impossible de gérer ça.

Mark Stelzner

Nul ne peut avancer avec 867. Donc ce qu’on a dû faire, c’est un exercice de priorisation impitoyable. Mais cela a permis de définir les capacités qu’il fallait pour jouer et celles qu’il fallait pour gagner la partie. Et ce sont les termes exacts employés. Cela a permis de réduire, réduire, et encore réduire, jusqu’à définir les outils, les capacités, et la numérisation. Et si cela n’était pas dans la catégorie des fonctionnalités différenciées, on était satisfaits. Satisfaits, c’était suffisant.

Dimitri Boylan

Suffisant.

Mark Stelzner

On acceptait les fonctionnalités livrées, peu de configuration, souvent en mode prêt à l’emploi. On essayait de définir des standards globaux là où on voulait briller. Et ensuite, on abordait les capacités uniques, sur mesure. Mais je vous en parle parce que c’est ça, la richesse d’une vraie conversation avec toutes les parties prenantes réunies. Mais cela demande de faire l’inventaire de tout ce qu’on fait, parfois inutilement. Si nous n’avions pas les moyens de collecter les centaines de millions de dollars dépensés dans certaines catégories, on ne saurait pas comment séparer le bon du superflu.

Dimitri Boylan

Oui, c’est tout à fait vrai. Et il est évident que la fonction RH doit arriver au niveau du conseil d’administration avec une liste très courte, précise, à forte valeur ajoutée, et un différenciateur concurrentiel. Vous savez, une liste des choses à faire.

Mark Stelzner

Et je dirais aussi qu’elle doit être reliée, point par point, précisément aux objectifs commerciaux.

Dimitri Boylan

Oui.

Mark Stelzner

Si je ne peux pas… Avec une diapo… Si je ne peux pas la relier aux objectifs, sauf pour raison légale ou réglementaire, je l’élimine. C’est un peu ça, l’art et la science où l’on manque de pratique, car on ne le fait pas souvent en gestion humaine. Vos clients n’ont qu’une seule chance de refondre fondamentalement la fonction gestion humaine ou l’organisation des technologies. Vos clients n’ont qu’une seule chance, pour ainsi dire, de vous suivre dans la refonte de la fonction RH. Et cette occasion ne se représentera sans doute pas avant 3 à 5 ans.

Dimitri Boylan

Oui, je pense que, heureusement, l’une des conséquences du COVID a été d’amener de nombreux cadres des conseils d’administration à prendre conscience que la fonction RH devait être très agile et qu’ils devaient repenser le rôle stratégique des RH. Car soudain, leur main-d’œuvre n’était plus au bureau. Il y avait beaucoup de choses auxquelles ils n’avaient pas pensé, et auxquelles il fallait soudainement faire face et trouver des solutions. Vous savez, c’est… On pourrait en débattre des heures.

Mark Stelzner

Voilà une excellente discussion. J’ai apprécié. Merci.

Dimitri Boylan

Je trouve qu’il est intéressant… Nous vivons une époque intéressante. Et je pense que l’IA dont je parlais tout à l’heure va mettre en lumière les sujets qu’on a abordés. Sans aucun doute. Donc ce sera intéressant de voir comment vous allez gérer tout ça. Toujours un plaisir d’échanger avec vous. J’espère que nous échangerons à l’avenir pour en découvrir encore plus.

Mark Stelzner

C’était super. Merci, j’ai vraiment apprécié.

Dimitri Boylan

Ravi de vous avoir reçu. Merci.

Mark Stelzner

Merci.

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