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Avature

Rares sont les entreprises au passé aussi riche qui continuent à se réinventer avec l’audace d’une startup. Comment Siemens, un géant de l’ingénierie et de l’automatisation industrielle fort de 177 ans d’histoire, parvient-il à rester à l’avant-garde de l’innovation en matière de talents ? Pour le découvrir, Dimitri Boylan, CEO d’Avature, a rencontré Salma Rashad, EVP, Global Head of Talent Acquisition chez Siemens, au siège de l’entreprise à Munich, pour évoquer la stratégie « People & Organization (P&O) » (personnes et organisation) de Siemens à l’horizon 2030.

De la redéfinition de sa marque employeur en tant qu’entreprise technologique à part entière à la promotion de la diversité en passant par l’engagement des générations futures, Salma Rashad nous a expliqué comment Siemens développe une main-d’œuvre agile, qualifiée et diversifiée, prête à prospérer dans un monde en constante accélération. Poursuivez votre lecture pour découvrir les principales initiatives de transformation qui façonnent l’avenir de l’acquisition de talents chez Siemens.

Être à l’écoute pour mener un changement efficace

Avec sa riche expertise en acquisition de talents dans divers secteurs, Salma Rashad était idéalement positionnée pour impulser la stratégie P&O de Siemens lorsqu’elle a rejoint l’organisation en 2023. Si elle reconnaît que les nouveaux dirigeants peuvent être tentés d’opérer des changements radicaux pour imposer leur vision, Salma Rashad souligne plutôt l’importance de capitaliser sur les forces existantes, d’amplifier les pôles d’excellence et de faire évoluer les pratiques actuelles grâce à des idées nouvelles.

C’est pourquoi sa priorité a été de mener une vaste tournée d’écoute. Grâce à cette approche humaine et authentique, elle a engagé des conversations franches avec de nombreux responsables du recrutement et chefs de fil issus de différentes unités. Cette démarche ne consistait pas seulement à identifier des problématiques, mais aussi à révéler des histoires de réussite et de résilience au sein de l’entreprise. Cela lui a permis de s’ancrer dans la culture de Siemens tout en acquérant les informations essentielles pour élaborer une stratégie d’AT efficace.

Il est crucial de comprendre le contexte, la culture, la psyché avant de commencer à agir et à apporter de nouvelles idées. Cette tournée d’écoute a été fantastique, car elle m’a permis de découvrir de nombreux domaines sur lesquels nous concentrons à présent notre stratégie. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Tirer parti des feedbacks pour réussir le repositionnement

Au-delà de l’écoute active au sein de l’organisation, la collecte de feedbacks externes a joué un rôle clé dans l’identification des lacunes en matière de notoriété de la marque sur des marchés stratégiques. Cette analyse a permis d’élaborer une approche ciblée pour repositionner Siemens comme un employeur technologique de premier plan.

Siemens possède une histoire et un héritage très riches et c’est selon moi ce qui la rend unique. On ne peut pas vraiment la comparer à d’autres entreprises technologiques. Aujourd’hui, notre ambition est très claire : devenir une entreprise technologique à part entière. Nous voulons mettre à profit l’envergure de Siemens, ses produits et son innovation pour accélérer la croissance, optimiser les cycles d’innovation et nous rapprocher encore plus de nos clients. Il s’agit d’une proposition passionnante et participer à cette transformation est une expérience exceptionnelle. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Comme l’a souligné Dimitri Boylan, ce n’est pas une mince affaire, dans la mesure où le consommateur moyen n’est pas directement exposé à la technologie industrielle et d’automatisation de Siemens. Toutefois, Salma s’est réjouie de constater que les efforts de repositionnement de Siemens commencent déjà à porter leurs premiers fruits.

Lorsque nous pensons à Siemens, il y a certaines connotations liées aux produits grand public. Mais ce que nous avons observé, grâce à des recherches, des groupes de discussion et à beaucoup de canaux d’analyse, c’est qu’il y a eu un changement de perception. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Revaloriser les compétences des recruteurs pour mener une transformation durable

Au-delà du repositionnement, le développement des compétences est l’un des piliers de la stratégie P&O 2030 de Siemens, avec un accent particulier sur les expertises les plus recherchées, telles que la vision stratégique, l’IA et l’exploitation des données.

Pour offrir aux recruteurs des parcours d’apprentissage structurés et des opportunités pratiques de montée en compétences, Siemens a créé le « laboratoire des leaders de l’AT ». Bien plus qu’un programme de partage de lignes directrices en matière de communication, cette initiative vise à doter les recruteurs des outils nécessaires afin qu’ils incarnent et transmettent pleinement les valeurs de Siemens dans chacune de leurs interactions.

Il ne s’agit pas seulement de transmettre un message en disant : « Voici ce qu’il faut dire », mais de créer de véritables opportunités d’apprentissage et parcours d’apprentissage qui donnent du sens à ces messages. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Bâtir des ponts : un travail d’équipe porteur de réussite

Salma a souligné que pour obtenir des résultats durables, une collaboration étroite est essentielle à tous les niveaux. Dans cette optique, Siemens encourage une synergie renforcée entre les responsables du recrutement et les équipes RH grâce à des initiatives de formation. Ces programmes simplifient les processus, fluidifient la communication et améliorent l’expérience d’embauche pour toutes les parties prenantes.

Elle met également en avant les bénéfices des rétrospectives de recrutement inspirées de la méthode agile, impliquant directement les responsables du recrutement, dont les points de vue offrent une perspective unique sur le perfectionnement des processus et des stratégies de recrutement pour les cycles d’embauche à venir.

Nous investissons réellement dans la formation des responsables du recrutement. Cela nous permet d’expliquer les dynamiques du marché et ce à quoi ressemble un bon processus de recrutement, car parfois, même si nous trouvons le candidat parfait, si nous attendons ne serait-ce qu’une semaine, il est déjà trop tard. C’est pour cela que la collaboration avec le responsable du recrutement doit être très rapide et étroite. Nous considérons qu’il s’agit d’un sport d’équipe. Cela ne repose pas uniquement sur les recruteurs, mais aussi sur le responsable du recrutement, qui doit travailler avec l’équipe de recrutement pour attirer le meilleur candidat. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Siemens ne se contente pas d’encourager une collaboration étroite entre les responsables du recrutement et les recruteurs, mais étend cette approche à l’échelle mondiale en établissant un lien entre son Centre mondial d’excellence et les opérations locales. Ce parcours de co-création permet à l’entreprise de concevoir des solutions adaptées aux besoins régionaux tout en respectant des normes de recrutement globales.

J’ai travaillé au sein de modèles où l’approche était très hiérarchisée, avec un centre qui pilotait l’ensemble, et dans d’autres modèles bien plus décentralisés. Siemens se situe quelque part entre les deux. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Affiner les stratégies en matière de talents grâce à des informations fondées sur des données

Lors de l’évaluation de la performance des recruteurs, Salma a précisé que Siemens accorde la priorité à des résultats tangibles, en mesurant leur réussite en fonction des résultats de l’embauche et des indicateurs clés de performance comme les Net Promoter Scores (NPS) des responsables du recrutement et des candidats.

Si ces indicateurs sont courants dans l’industrie, Siemens les intègre dans une approche plus globale, visant à offrir une expérience exceptionnelle tant aux candidats qu’aux responsables du recrutement. L’objectif n’est pas simplement de pourvoir des postes, mais de s’assurer que chaque candidat, qu’il soit embauché ou non, conserve une perception positive de Siemens en tant qu’employeur de choix.

Chez Siemens, nous avons des équipes aguerries… Nous avons traversé de nombreuses transformations différentes et avons su nous imposer comme une fonction de recrutement efficace. Beaucoup de choses fonctionnent bien, mais pour nous, l’enjeu est toujours de passer de « bien » à « excellent ». »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Salma est bien consciente que l’équipe d’AT de Siemens dispose d’une mine de données qui pourraient être mieux exploitées. En libérant tout le potentiel de ces données, il serait possible de transformer non seulement les processus d’embauche, mais aussi les expériences des individus. En convertissant les chiffres bruts en récits exploitables, Siemens s’efforce d’affiner continuellement ses stratégies en matière de talents, tout en améliorant tant les performances des recruteurs que l’expérience candidat.

Je pense que les meilleures histoires sont celles basées sur des données. Nous avons certainement la chance de disposer de nombreuses données, mais parfois, nous ne savons pas encore bien les utiliser pour raconter notre histoire. Mon ambition, chez Siemens, est justement de les mettre davantage à profit et de travailler avec des partenaires qui peuvent nous aider à en tirer le meilleur parti. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Favoriser la diversité, inspirer les générations

Après avoir souligné la place de Siemens dans le classement de Forbes des meilleurs employeurs pour les femmes en 2024, une réussite significative dans un secteur historiquement dominé par les hommes, Dimitri a invité Salma à détailler les initiatives de l’entreprise en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI).

Salma a exposé avec conviction l’engagement de Siemens à travers une série d’initiatives de DEI et de programmes de mentorat, mettant en avant l’engagement indéfectible de l’entreprise en faveur de l’inclusion. Elle a insisté sur le fait que ces questions sont fondamentales pour Siemens qui ne considère pas cela comme une « idée pour la forme ». Elle a ajouté que, pour une entreprise ayant 177 ans d’histoire, « l’innovation et l’agilité doivent en être les fondements, et que sans diversité, il serait impossible de les concrétiser. »

De plus, Salma a précisé que son engagement personnel en faveur de la DEI se manifeste au quotidien, une expérience qui s’est encore renforcée lorsque ses deux enfants ont eu l’opportunité de visiter les bureaux de Siemens à Zurich.

J’étais ravie de voir comment ma fille, à seulement 11 ans, pouvait s’intéresser à l’IA et découvrir les différentes technologies. Il y a donc un véritable enjeu à éveiller cet intérêt dès le plus jeune âge et cela fait partie de notre culture. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Susciter l’engagement de la génération Alpha

La conversation a progressivement évolué vers la stratégie générationnelle de Siemens, avec Salma soulignant l’importance d’anticiper l’arrivée de la future main-d’œuvre et révélant que l’organisation se penchait déjà sur la génération Alpha.

Bien que l’impact sociétal de Siemens ne soit pas toujours bien connu, Salma a précisé que l’entreprise est « très soucieuse de créer cet impact dès le plus jeune âge ». En analysant les préférences et habitudes de consommation des médias de cette génération, Siemens a pu créer des opportunités d’engagement précoce, telles que le parrainage de colonies de codage pour enfants, destinées à inspirer et attirer la génération Alpha.

Cette exposition précoce ne vise pas seulement à attirer les talents de demain, mais également à semer des graines d’inspiration qui pourraient façonner les ingénieurs et les innovateurs de demain.

Adopter un état d’esprit de croissance

Face aux changements générationnels dans les attentes en matière de leadership et de développement de carrière, Dimitri a souhaité savoir comment Siemens évoluait pour répondre aux besoins des jeunes générations, lesquelles s’attendent souvent à une trajectoire de carrière rapide et sont moins enclines à accepter un leadership vertical traditionnel.

Salma a expliqué que Siemens répondait à ces changements en cultivant une culture axée sur le développement, l’adaptabilité et l’autonomisation. Ces facteurs sont essentiels non seulement pour répondre aux attentes actuelles, mais aussi pour revaloriser les compétences des employés en les dotant des qualifications nécessaires pour qu’ils puissent s’épanouir à l’avenir. L’une des innovations les plus significatives dans cette optique a été la transformation par Siemens de son processus de gestion de la performance, tant au niveau du format que de l’orientation et de la narration.

L’entreprise a remplacé les évaluations de performance formelles et annuelles par des growth talks (entretiens de développement) réguliers et dynamiques. Ces discussions ne visent pas uniquement à évaluer les performances passées, mais à favoriser le développement continu.

Cela nous permet d’instaurer un dialogue différent entre un responsable et ses collaborateurs. Ce dialogue peut aussi être initié directement par le collaborateur. Ce n’est donc pas uniquement vertical ; l’employé peut simplement exprimer son souhait d’avoir un entretien de développement avec son responsable. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Cette approche innovante témoigne d’un changement culturel plus large, qui s’éloigne des évaluations rigides pour s’orienter vers des dialogues significatifs axés sur le développement, le feedback et le potentiel futur. En mettant l’accent sur le développement plutôt que sur le jugement, Siemens harmonise ses processus avec les attentes en constante évolution de son personnel, en particulier des jeunes générations qui apprécient la communication ouverte ainsi que les possibilités d’apprentissage et de progression.

De l’ancienneté au potentiel : l’évolution du leadership chez Siemens

Interrogée sur les qualités qui définiraient la prochaine génération de leaders, Salma a mis en lumière une profonde évolution au sein de Siemens. Traditionnellement, l’organisation avait tendance à sélectionner des chefs de fil possédant une longue ancienneté et une expérience très spécifique, valorisant ainsi leur connaissance institutionnelle étendue. Aujourd’hui, Siemens adopte une approche plus prospective qui donne la priorité au potentiel plutôt qu’à des archétypes prédéfinis.

Je pense que nous avons abandonné l’idée de définir le « leader parfait ». Nous avons adopté une approche axée sur le développement continu et sur une culture de l’autonomisation. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

Plutôt que de suivre un parcours tout tracé, Salma a fait savoir qu’il était plus important que les compétences des chefs de ligne s’alignent sur deux rôles clés. Les responsables de la transformation organisationnelle et de l’innovation technologique devront posséder de solides compétences en développement organisationnel et en gestion du changement. Quant aux milliers de chefs de ligne en charge des opérations quotidiennes, l’efficacité des équipes et l’expérience des collaborateurs sont au cœur des priorités.

Salma a précisé que Siemens cherchait constamment de nouvelles stratégies d’évaluation pour placer les meilleurs éléments dans des rôles clés et a souligné que cela implique non seulement d’évaluer les individus, mais aussi de prendre en compte leur adéquation au sein d’une équipe.

L’IA et l’avenir de l’acquisition des talents

L’échange entre Dimitri et Salma s’est terminé sur un sujet qui fait débat dans tous les secteurs économiques : l’intelligence artificielle. Lorsqu’on lui a demandé comment l’équipe dirigeante de Siemens gérait les préoccupations liées à l’IA, Salma a souligné l’importance du partage des responsabilités.

Siemens a investi massivement dans la revalorisation et la requalification des compétences à travers ses différentes unités commerciales. L’expérimentation interne, comme elle l’a souligné, joue un rôle clé pour anticiper et préparer l’entreprise aux compétences de demain. À ce sujet, elle a donné le conseil suivant :

Commencez petit. N’essayez pas de tout révolutionner tout de suite, mais trouvez le bon cas d’utilisation et les bonnes opportunités pour tester ces hypothèses avant d’investir de manière plus conséquente. »

Salma Rashad
EVP, Global Head of Talent Acquisition, Siemens

En conclusion de leur conversation, il est apparu évident que l’approche de Siemens en ce qui concerne sa stratégie P&O reflète non seulement une réflexion stratégique, mais aussi un engagement profond vis-à-vis de son personnel. En favorisant une culture de l’expérimentation, de la collaboration, de la diversité et de la croissance, Siemens donne à sa main d’œuvre les moyens d’innover, de s’adapter et de diriger dans un monde en constante évolution.

Alors que la technologie semble souvent dépasser l’adaptabilité humaine, l’approche de Siemens nous rappelle que le progrès n’est pas seulement une question d’innovation ; il s’agit également d’accompagner les individus tout au long de ce parcours et de les aider à s’épanouir à travers les possibilités offertes par l’innovation.

Dimitri Boylan

Bienvenue dans ce nouvel épisode de The Talent Transformation Podcast. Aujourd’hui, nous recevons Salma Rashad, Executive Vice President of Talent Acquisition chez Siemens. Ça va Salma ?

Salma Rashad

Très bien. Et vous ?

Dimitri Boylan

Oui, oui. Impeccable. Salma, vous êtes encore la  » nouvelle  » chez Siemens au vu de leurs standards ? Cela fait environ un an et demi. C’est bien ça ?

Salma Rashad

Oui, en effet. Je suis arrivée en 2023, et Siemens est une entreprise établie de longue date, donc je suis plutôt nouvelle par rapport à mes collègues.

Dimitri Boylan

Oui, tout à fait. Mais avant de parler de Siemens, parlez-moi un peu de votre parcours. Comment se retrouve-t-on en acquisition de talents ?

Salma Rashad

J’ai débuté en RH en tant que partenaire commercial avec un rôle généraliste. Je me suis toujours retrouvée à gérer des tâches, des activités et des projets de recrutement. Selon moi, il existait une certaine proximité entre mes activités métier et le travail de recherche de candidats externes pour les rôles Je suis progressivement passée d’un rôle généraliste à un rôle plus spécialisé. Sans aucun regret. L’acquisition de talents est une fonction qui évolue sans cesse, c’est une fonction très dynamique. Je ne m’y suis jamais ennuyée.

Dimitri Boylan

Diriez-vous qu’il s’agit de l’un des domaines RH les plus difficiles ?

Salma Rashad

À mon avis, oui. C’est un défi de taille, mais c’est aussi très gratifiant. J’aime dire que c’est ce qui se rapproche le plus de la vente, d’un point de vue commercial. On recherche constamment des candidats, on conclut des accords, on négocie. Il faut des compétences spécifiques, ce qui me convient parfaitement.

Dimitri Boylan

Oui, et vous avez intégré une entreprise d’ingénierie et de technologie. Vous venez de l’industrie pharmaceutique, n’est-ce pas ?

Salma Rashad

Oui, c’est exact. J’ai eu la chance de travailler dans divers secteurs. Ce n’était pas forcément quelque chose qui m’attirait au départ car on entend souvent qu’il faut devenir expert dans une industrie précise. Mais j’ai voulu me lancer un défi. Et, si c’était à refaire, je ne changerais rien, car avoir pu observer la gestion de l’AT dans des secteurs variés me permet aujourd’hui d’apporter une perspective différente à ce rôle.

Dimitri Boylan

Parlons de Siemens, alors. Vous avez rejoint une entreprise technologique. Siemens a beaucoup évolué ces… cinq, six dernières années. L’entreprise s’est séparée de sa branche énergie, puis de sa branche santé. Elle se concentre désormais sur la technologie industrielle. Je crois que vous fabriquez encore des trains.

Salma Rashad

Oui, tout à fait. Siemens a une histoire et un héritage très riches. Et c’est ce qui la rend unique. On ne peut pas vraiment la comparer à d’autres entreprises technologiques, car son histoire et ses origines sont très différentes. Aujourd’hui, l’ambition est très claire. Nous avons tous conscience que nous voulons devenir une entreprise technologique à part entière. Nous voulons exploiter l’envergure de Siemens, ses produits et son innovation, pour accélérer la croissance, optimiser les cycles d’innovation et nous rapprocher encore plus de nos clients. Il s’agit d’une proposition formidable, et observer et participer à cette transformation c’est exceptionnel.

Dimitri Boylan

Lorsque vous vous adressez au marché, vos technologies sont principalement axées sur l’industrie et l’automatisation. Le grand public n’a pas été exposé à ces technologies directement. Si Google se présente comme une entreprise technologique, tout le monde est d’accord. Or, si Siemens recrute et en fait de même, certains diront : « Non, vous êtes dans l’ingénierie, et non dans la technologie. » Alors, qu’en est-il de la marque ? Il faut la repositionner de manière très spécifique pour le recrutement. Où en êtes-vous à ce niveau-là ?

Salma Rashad

Quand on pense à Siemens, et je suis d’accord avec vous, il y a certaines connotations liées aux produits grand public. Mais nous avons observé, grâce à des recherches, des groupes de discussion, et beaucoup de canaux d’analyse, qu’il y a eu un changement au niveau de la perception. Nous le voyons très clairement dans le nombre de rôles que nous avons dans la technologie. Nous le voyons dans certains marchés où nous ne sommes pas bien positionnés, ou pas suffisamment connus, par rapport aux concurrents. Donc, plutôt que d’adopter une approche globale, en pensant que ça fonctionnera partout, nous nous penchons sur les marchés nécessitant un effort supplémentaire, car nous savons que pour certains marchés, nous sommes déjà très bien positionnés d’après les classements et les recherches, mais notre attention doit vraiment se porter sur les marchés où nous devons combler cet écart.

Dimitri Boylan

Alors… En arrivant chez Siemens, quelle a été votre premier réflexe ? Qu’avez-vous fait ? Êtes-vous allée rencontrer les responsables du recrutement des différentes BU pour chercher à comprendre leurs problématiques ? Parlons de vos débuts dans l’entreprise.

Salma Rashad

J’ai commencé par organiser une tournée d’écoute. Mon assistante devenait folle, je devais voir tellement de responsables du recrutement et de chefs de département. Je voulais simplement être à l’écoute. Évidemment, j’ai été recrutée pour une raison, j’ai de l’expertise et de l’expérience en acquisition de talents. Mais il est crucial de comprendre le contexte, la culture, la mentalité avant de commencer à agir et à apporter de nouvelles idées. Cette tournée d’écoute a été fantastique, car elle m’a permis de découvrir de nombreux domaines sur lesquels nous concentrons à présent notre stratégie. Il est toujours facile pour un nouveau leader de débarquer en disant : « Rien n’a vraiment fonctionné par le passé. »

Dimitri Boylan

« Voici mon idée. »

Salma Rashad

« Voici mon idée. » Mais il est plus difficile de reconnaître ce que l’organisation symbolise et les bonnes choses qui s’y produisent. Donc, s’il s’agit de développer ces solutions, nous disposons d’excellentes bases de meilleures pratiques, ou pour les faire évoluer et apporter de nouvelles idées, c’est là que la magie opère. Pour moi, cette tournée d’écoute m’a aidée à m’ancrer dans la culture de Siemens, à me mettre dans une position de force pour exposer nos idées et stratégie d’AT.

Dimitri Boylan

Vous parlez à l’échelle mondiale, combien de pays sont concernés ? Tous les pays ? Presque tous ?

Salma Rashad

Oui, la portée est assez vaste. D’un autre côté, je vois les choses ainsi : il doit y avoir une collaboration entre le Centre d’excellence mondial et les opérations locales d’AT et les opérations commerciales. Et c’est là que j’ai travaillé sur des modèles avec une approche verticale, avec le centre qui pilote tout. J’ai travaillé sur d’autres modèles bien plus décentralisés, mais Siemens se situe quelque part entre les deux. Et c’est là que le parcours de cocréation que nous avons entrepris et que nous continuons à suivre nous permet de créer des solutions « glocales ».

Dimitri Boylan

Très bien, et maintenant vous bâtissez votre équipe à l’échelle mondiale. Comment cela se passe-t-il ? Est-ce que… Cela va vous prendre… Combien de temps vous faut-il pour arriver à vos fins ? Une idée ?

Salma Rashad

La bonne nouvelle, c’est que, je pense que l’AT fait partie de la gestion de talents et de notre stratégie de personnes et d’organisation. Je ne le vois pas comme un silo en soi. Notre stratégie P&O a été conçue pour nous mener jusqu’en 2030. Nous avons fixé certaines ambitions à cet égard, et cela nous donne l’opportunité de concrétiser ces ambitions. Nous prenons donc certaines mesures, pour établir les bases et nous assurer de disposer d’un noyau solide d’opérations. Certaines choses prendront plus de temps. Certaines transformations de modèles opérationnels, des capacités de services partagés, en matière de segmentation des talents. Aujourd’hui, tout le monde parle des compétences. Comment acquérir ces rôles difficiles à pourvoir ? Et comment acquérir ces compétences cruciales pour l’entreprise ? Cela ne se fait pas uniquement dans le silo de l’AT. Nous devons travailler ensemble avec nos collègues en gestion de talents, avec nos partenaires P&O, pour veiller à bien comprendre ce que nous recherchons sur le marché. Et à partir de là, évidemment, établir les bonnes stratégies pour l’organisation.

Dimitri Boylan

Oui, je vois. J’ai constaté que Siemens… a été classé… par Forbes… en 2024, cette année, parmi les employeurs…

Salma Rashad

De femmes.

Dimitri Boylan

Un employeur de femmes, oui. Parlons-en, car c’est un vrai défi dans le domaine de la tech, et encore plus dans l’ingénierie traditionnelle.

Salma Rashad

Oui, c’est vrai. Et il y a plusieurs manières de le percevoir. D’un point de vue professionnel, en arrivant chez Siemens, j’ai découvert les initiatives de diversité, d’équité et d’inclusion en place, ainsi que les programmes de mentorat. Cela nous montre clairement que l’entreprise considère cela comme une priorité essentielle, et non comme du superflu, ou une petite chose à faire. Mais je le vois aussi d’un point de vue personnel, car je le vis au quotidien. J’ai une fille et un fils, et la semaine dernière, ils sont venus au bureau à Zurich, en Suisse. Ils ont passé la journée sur place, et j’ai été ravie de voir ma fille, à seulement 11 ans, s’intéresser à l’IA et découvrir différentes technologies. Il y a un vrai enjeu à éveiller cet intérêt dès le plus jeune âge, et cela fait partie de notre culture. Une entreprise comme Siemens, qui existe depuis si longtemps, depuis plus de 177 ans, doit avoir pour fondement l’innovation et l’agilité. Et sans diversité, il est impossible… de concrétiser cela. Nous avons donc mis en place de nombreuses opportunités et initiatives, comme des colonies de programmation pour les enfants, sponsorisés par Siemens. Cela leur permet d’expérimenter très tôt, de se poser des questions : Est-ce que ça leur plait ? Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour eux ? C’est un rôle clé que nous jouons vis-à-vis de la société. Ce n’est pas seulement une question d’attirer des talents pour Siemens, c’est aussi préparer les compétences dont la future main-d’œuvre aura besoin.

Dimitri Boylan

Très bien. Vous disposez de ressources chez Siemens, contrairement à d’autres responsables d’AT car vous vous trouvez dans une entreprise majeure en matière de technologie. Parmi les dix principales ? Cela peut en surprendre certains, mais Siemens se trouve au sommet. Et donc, vous avez les moyens de… de toucher les lycéens, de créer des programmes, et des liens avec la société, ce qui est impossible à faire pour de plus petites entreprises technologiques. Comment abordez-vous cette question ? Quelle est votre stratégie au niveau générationnel ?

Salma Rashad

Nous y réfléchissons sous l’angle de l’attractivité des talents. Nous avons déjà entamé des discussions sur la génération Alpha, leurs préférences.

Dimitri Boylan

Ah, on y vient. La nouvelle génération.

Salma Rashad

Et leur façon de consommer l’information. Tout cela est crucial pour anticiper l’arrivée de ces nouvelles générations sur le marché du travail. Mais nous nous interrogeons aussi sur notre rôle dans la société. Et parfois, ce rôle n’est pas toujours très visible. Je me souviens d’une discussion avec une collègue aux États-Unis. Son fils étudie dans l’une des meilleures universités d’ingénierie, et elle me disait : « Oui, ils utilisent tel logiciel dans leur université, etc. » Et je lui ai demandé : « Ce ne serait pas un logiciel Siemens ? » Elle n’en était pas certaine. Elle est revenue vers moi plus tard en me disant : « Finalement, oui, c’est bien un logiciel Siemens. » Cela montre que parfois, nous ne sommes pas forcément visibles, notre impact n’est pas perceptible, mais nous sommes très conscients de la possibilité de créer cet impact dès le départ.

Dimitri Boylan

Vous avez beaucoup parlé des managers de la prochaine génération du type de profil que vous recherchez pour occuper des postes de leadership au sein de l’organisation. Créez-vous un profil type ? Expérimentez-vous différents modèles pour identifier le type de leader de demain chez Siemens ?

Salma Rashad

Je pense que nous avons abandonné l’idée de définir un « leader parfait ». Nous avons adopté un état d’esprit axé sur la croissance et sur une culture de l’autonomisation. Avec la transformation que traverse Siemens, on distingue deux types de leaders. D’un côté, ceux qui sont impliqués dans de plus grands axes de travail, avec l’ambition de faire de Siemens une entreprise technologique unifiée. On observe que les compétences en développement organisationnel et en gestion du changement sont des éléments essentiels pour y parvenir. De l’autre côté, nous avons de nombreux leaders opérationnels, des milliers, devant gérer les opérations au quotidien. C’est à ce niveau-là que l’efficacité des équipes s’avère importante, que les expériences importent. C’est ainsi que nous concevons le leadership et le rôle des leaders qui transforment l’entreprise, comme nous l’articulons dans notre stratégie P&O.

Dimitri Boylan

Bien. Vous étudiez aussi vos candidats, et vous essayez de comprendre ce qu’ils font le mieux. Et vous les intégrez dans l’organisation en fonction de leurs talents.

Salma Rashad

Oui, tout à fait. Et compte tenu des volumes concernés, nos équipes recherchent constamment des stratégies d’évaluation qui nous aident à sélectionner ces leaders. Nous avons expérimenté plusieurs idées et outils à ce sujet. Mais nous voulons aussi réfléchir davantage à la composition des équipes. Il ne s’agit pas seulement du leader en tant qu’individu, mais aussi du leader au sein d’une équipe. À quoi cela ressemble-t-il ?

Dimitri Boylan

Oui. Je pense que, d’un point de vue générationnel, on a découvert que la perception du leadership chez les nouvelles générations est différente de celle de ma génération. À mon époque, c’était très hiérarchique. Cela nous a été légué par ceux qui étaient au-dessus de nous lors de notre arrivée dans l’entreprise. Mais la nouvelle génération ne s’y intéresse pas autant que nous. Comment intégrez-vous ces nouveaux comportements dans une entreprise qui a… j’en reviens encore une fois à Google, entreprise qui a 30 ans. Il n’y avait personne en 1996, les murs n’existaient même pas. Comparé à une grande entreprise technologique qui existe depuis 100 ou plus, 170 ans, peut-être. J’imagine que ça doit être ça. Avec sans doute un modèle historiquement très hiérarchisé, qui évolue aujourd’hui vers une nouvelle approche.

Salma Rashad

Un exemple concret de ce changement, nous avons abandonné la gestion traditionnelle de la performance. Il ne s’agit plus d’un événement annuel, mais de growth talks (entretiens de développement). Chez Siemens, c’est ainsi que nous les appelons Cela nous permet d’instaurer un dialogue différent entre les responsables et leurs collaborateurs. Et cela peut être à l’initiative du collaborateur. Ce n’est donc pas vertical. L’employé peut se présenter à tout moment et dire : « J’aimerais m’entretenir avec mon responsable. » C’est un exemple de la manière dont nous évoluons pour nous adapter aux nouvelles attentes. Nous avons plusieurs initiatives allant dans ce sens chez Siemens, mais celle qui m’a vraiment marquée concerne les growth talks car je n’avais jamais vu cela ailleurs.

Dimitri Boylan

Donc, vous avez une équipe de recrutement qui doit raconter ces histoires aux candidats. Comment vous assurez-vous que tous vos recruteurs comprennent bien ces messages et savent comment les transmettre aux candidats ? Vous vous réunissez pour discuter de votre storyline et de votre positionnement face aux candidats potentiels ?

Salma Rashad

C’est un vrai défi, car nos équipes sont décentralisées. Nous devons donc faire passer le message à plusieurs groupes différents, ce qui est un défi en soi. Mais, notre approche consiste tout d’abord à établir un récit clair et cohérent. Nous devons tous expliquer notre définition de la qualité, l’articuler, la communiquer et la répéter régulièrement. C’est particulièrement important dans le domaine du recrutement, où l’attrition existe. Les collaborateurs vont et viennent, mais le message doit rester. Ensuite, il y a une approche claire de la revalorisation des compétences. Il ne suffit pas de transmettre un message en disant : « Voici ce qu’il faut dire », il faut créer de véritables opportunités d’apprentissage et parcours d’apprentissage qui donnent du sens à ces messages. Nous lançons d’ailleurs un programme spécifique pour les responsables d’AT, le « laboratoire des leaders d’AT ». Cela nous permettra d’approfondir certaines compétences avec ces leaders, car finalement, ce sont eux les catalyseurs au sein de leurs équipes au quotidien. Cette stratégie nous permet de diffuser nos valeurs et de les ancrer dans l’organisation, de manière durable. J’ai observé dans certaines entreprises que ces efforts sont parfois considérables au début, lors d’une transformation, par exemple, puis cela finit par s’essouffler. Alors, comment maintenir cet élan sur le long terme ? Comment pérenniser ces efforts ? Comment garantir la cohérence ? C’est là que la cohérence porte ses fruits car c’est ancré dans les comportements. Et c’est l’objectif que nous visons.

Dimitri Boylan

Donc, en plus de former les recruteurs, évaluez-vous leur capacité à transmettre ce message ? Leur dîtes-vous : « Tu y es presque, ton récit n’est pas encore à la hauteur, il faut le peaufiner. » ? Et parfois, une autre personne le fait de manière exceptionnelle. Cela peut arriver. Dans quelle mesure analysez-vous l’ensemble de l’équipe pour savoir qui est à la hauteur et qui ne l’est pas ?

Salma Rashad

Nous voulons surtout nous concentrer sur les résultats concrets et sur la façon dont cela se traduit sur l’embauche, de meilleurs scores NPS, aussi bien du côté des responsables que des candidats. Un élément clé de notre stratégie d’AT consiste à créer des expériences exceptionnelles. C’est une approche que nous avons adoptée et que nous intégrons à l’échelle mondiale pour changer notre état d’esprit. Il faut pouvoir se dire : « Je veux créer des expériences exceptionnelles. » Je veux m’assurer que le candidat, quelle que soit l’issue pour lui puisse se dire : « En fait, je n’ai pas eu ce poste chez Siemens, mais c’était une super expérience. »

Dimitri Boylan

Oui. « Je reviendrai tenter ma chance ». « J’essaierai encore ».

Salma Rashad

Exactement. Et cela ne passe pas uniquement par la revalorisation des compétences, mais aussi par l’élaboration de systèmes, d’écosystèmes et de processus qui permettent vraiment aux recruteurs de tenir cette promesse. C’est un travail de très longue haleine.

Dimitri Boylan

Combien de responsables sont concernés, au juste ? Combien de personnes environ ?

Salma Rashad

Oh, bonne question… Sachant que nous effectuons plus de 30 000 recrutements par an, je dirais qu’on tourne autour de…

Dimitri Boylan

Peut-être 5 à 10 000 responsables du recrutement.

Salma Rashad

Sans doute, oui.

Dimitri Boylan

Je vois.

Salma Rashad

Il y a différentes manières d’aborder cela, car chez Siemens, nous avons des équipes expérimentées, des équipes aguerries. Nous avons traversé de nombreuses transformations, et nous avons su nous imposer comme une fonction de recrutement efficace. Beaucoup de choses fonctionnent bien, mais pour nous, l’enjeu consiste à passer de « bien » à « excellent ».

Dimitri Boylan

Et cela prend du temps.

Salma Rashad

Il faut du temps, mais c’est essentiel d’en faire un cap à suivre. Ce ne doit pas être seulement une aspiration ou une idée pour la forme. Or, comment concrétiser cela pour les recruteurs ? Parce que je vois souvent de beaux slogans et de grandes intentions, mais si cela ne se traduit pas par des actions concrètes, des méthodes différentes, un usage pertinent de la technologie, et un véritable accompagnement des recruteurs, alors ce ne sont que des paroles en l’air.

Dimitri Boylan

C’est cela. Déterminer comment adopter une approche très stratégique pour l’entreprise, ce n’est pas simple, n’est-ce pas ? On a tendance à penser que le marché a tout ce dont il a besoin. Mais les recruteurs se retrouvent souvent à devoir expliquer que ce n’est pas le cas en ce qui les concerne. Comment gérez-vous cela ? Et comment accompagnez-vous votre équipe d’AT pour gérer cela ?

Salma Rashad

Je pense que c’est l’éternelle question pour l’acquisition de talents. C’est aussi ce qui fait l’intérêt de ce job. J’ai deux angles de vue : il y a le rôle du recruteur, mais aussi celui du responsable du recrutement dans le processus. C’est pourquoi nous investissons dans la formation des responsables du recrutement. Cela nous permet d’expliquer les dynamiques du marché, et d’expliquer à quoi ressemble un bon processus de recrutement. Parce que parfois, même lorsque l’on trouve le candidat idéal, si nous tardons avec cette perle rare…

Dimitri Boylan

Deux semaines…

Salma Rashad

Voire une semaine seulement. C’est déjà trop tard. C’est pourquoi, la collaboration avec les responsables du recrutement doit être la plus étroite possible. Nous voyons l’AT comme un sport d’équipe. Tout ne repose pas uniquement sur les recruteurs, mais aussi sur le responsable qui doit travailler avec l’équipe du recrutement pour pouvoir attirer le meilleur candidat. Voilà donc mes deux angles de vue. Le rôle des recruteurs, plus celui des responsables.

Dimitri Boylan

Oui, absolument. Le recruteur n’ira pas loin sans le responsable du recrutement. Comment travaillez-vous ? Le recruteur va raconter une histoire, puis le candidat rencontre les responsables du recrutement. Il est crucial que le récit reste cohérent, non ? Comment évaluez-vous cela après coup ? Analysez-vous l’expérience candidat ? Demandez-vous aux candidats ayant eu un contact avec votre entreprise : « Quelle a été votre expérience ? Quand a-t-elle changé ? » En allant au-delà des enquêtes, en vous entretenant avec les candidats qui ont réussi ?

Salma Rashad

Je pense que les meilleures histoires sont celles basées sur des données. En AT, heureusement, nous avons beaucoup de données, mais nous ne les exploitons pas toujours de manière optimale en storytelling. Mon ambition, chez Siemens, est justement de les exploiter davantage, et de travailler avec des partenaires qui peuvent nous aider à en tirer parti. Il y a sans nul doute de nombreux KPI que nous pouvons exploiter, je pense notamment à la manière dont nous tirons parti de la veille sur le marché des talents. Nous recevons énormément de candidatures, mais cela ne signifie pas pour autant que nous avons des centaines de candidats qualifiés. Ce n’est pas le cas.

Dimitri Boylan

Bien.

Salma Rashad

Et cela exige de notre part une vision stratégique claire afin de savoir analyser ces CV avec pertinence. Qu’est-ce qui définit un bon candidat pour ce rôle ? Comment intégrer les données dans nos échanges avec les responsables ? Comment organiser, dans certaines équipes, des rétrospectives sur le processus de recrutement ? L’un de nos leaders en AT à l’étranger me disait qu’ils invitent parfois un responsable du recrutement à participer à ces rétrospectives avec leur équipe. Selon moi, cela apporte un tout autre niveau de crédibilité. Ce n’est pas seulement nous qui analysons les données et en tirons des conclusions, mais nous intégrons aussi une perspective humaine sur cette rétrospective. L’objectif étant d’intégrer les feedbacks dans les prochains cycles de recrutement. C’est ainsi qu’en adoptant une approche agile, nous pouvons continuellement améliorer notre fonction.

Dimitri Boylan

Et songez-vous à travailler avec l’équipe de gestion des talents pour évaluer… la performance des nouvelles recrues au sein de l’organisation ? Ou… utilisez-vous ces données pour ajuster le profil des recrues ou la façon de recruter ? Ou bien est-il encore trop tôt pour cela ?

Salma Rashad

Nous surveillons un certain nombre d’indicateurs, notamment les taux d’attrition, et surtout ceux des nouvelles recrues. Chez Siemens, il n’existe pas de gestion de la performance, pas de notation de la performance, comme cela peut être le cas ailleurs pour évaluer la qualité des embauches. Mais nous avons établi une étroite collaboration entre nos équipes d’analytique et de gestion des talents. Prenons un exemple : notre approche des compétences et la taxonomie des compétences. Il y a une réelle synergie entre les différentes fonctions à ce sujet.

Dimitri Boylan

Êtes-vous pleinement satisfaits de votre gestion des compétences, ou est-ce une transition ? Beaucoup d’entreprises adoptent une taxonomie fondée sur les compétences, considérant les compétences comme une monnaie interne. Où en êtes-vous dans ce processus ?

Salma Rashad

Nous sommes dans la même dynamique. Nous sommes en pleine transition, et j’échange beaucoup avec des collègues externes. Je crois que nous sommes tous à différentes étapes de ce parcours. Que je sache, aucune entreprise n’a encore complètement maîtrisé ce modèle, mais nous avons déjà mis en place certaines solutions pour le recrutement fondé sur les compétences. Ces solutions sont-elles évolutives ? Pas encore. C’est ce que nous testons. Et c’est pourquoi je pense qu’il est important de commencer modestement, de ne pas vouloir tout révolutionner, mais d’identifier les bons cas d’usage, les opportunités pertinentes pour tester ces hypothèses avant d’investir de manière plus conséquente. C’est exactement notre démarche dans notre stratégie d’AT.

Dimitri Boylan

D’accord. Bon, il est temps d’évoquer l’IA, car on ne peut pas passer à côté d’un sujet comme l’IA. On pourrait aborder le sujet sous plusieurs angles, mais Siemens, en tant qu’entreprise technologique, doit nécessairement plonger au cœur de l’intelligence artificielle. La demande pour des experts en IA est immense et dépasse largement l’offre sur le marché. Cette tendance va sans doute perdurer encore au moins cinq ans, voire plus. Comment gérez-vous cette pression au sein du management ?

Salma Rashad

La bonne nouvelle, c’est que tout ne repose pas uniquement sur l’AT. Nous ne considérons pas que l’unique solution soit d’acquérir ces compétences. Nous investissons massivement dans la revalorisation et requalification des compétences. Cela permet de mieux répartir la pression. Les organisations d’apprentissage, de gestion des talents, et même les unités opérationnelles investissent largement dans ce domaine. Par ailleurs, j’observe qu’il y a de nombreuses expérimentations en interne, car il ne suffit pas de savoir que nous avons besoin de ces compétences. Mais à quoi vont-elles servir ? Dans quels domaines ? Quels types de compétences ? Comment cela se traduit-il dans notre environnement Siemens ? Cette phase d’expérimentation interne nous aide à affiner notre compréhension de ces compétences, de nos besoins à ce niveau-là, et ainsi à décider si nous devons privilégier une stratégie d’acquisition en externe, ou opter pour leur développement en interne. Il existe différentes approches possibles, et Siemens est également très actif dans l’acquisition d’autres entreprises. Nous pouvons ainsi renforcer notre portefeuille.

Dimitri Boylan

Oui, oui. Un an et demi après votre arrivée, vous semblez toujours aussi enthousiaste !

Salma Rashad

Croyez-le ou non, le thème de notre dernière conférence chez Siemens était « Booster », et j’incarne pleinement cet état d’esprit. Dur de faire autrement, quand on regarde cette entreprise et son héritage et son portefeuille incroyables, son potentiel et ses ambitions phénoménales. Être là et participer à cette aventure est extrêmement motivant.

Dimitri Boylan

Et c’est justement un élément clé en recrutement, non ? Ça ne se limite pas à un récit : les candidats évaluent l’entreprise immédiatement à travers l’enthousiasme du recruteur à l’égard de l’entreprise. C’est leur tout premier test, car ils jugent avant tout la conviction de la personne qu’ils ont en face d’eux.

Salma Rashad

Oui. La crédibilité s’avère essentielle dans ce que nous faisons. Notre rôle ne se limite pas à une simple fonction commerciale, c’est une mission portée par une forte conviction. Et parmi les éléments de notre proposition de valeur, il y a la finalité. Beaucoup de ces technologies ont un impact majeur sur notre quotidien, nos sociétés et sur le développement durable. Il existe donc une histoire différente. Les solutions ne sont pas conçues pour discuter, mais pour…

Dimitri Boylan

Transformer la société.

Salma Rashad

Pour transformer la société. Au niveau de Siemens, nous transformons le quotidien de chacun. Il s’agit de notre conviction profonde.

Dimitri Boylan

Vous semblez passionnée par ce sujet. Je vous souhaite beaucoup de succès. J’aimerais vous revoir d’ici trois ans pour revenir sur votre parcours chez Siemens. Bonne chance pour la suite !

Salma Rashad

Merci ! Ce fut un plaisir.

Dimitri Boylan

Merci à vous.

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