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Avature

Lorsque le capital humain se trouve au cœur de votre activité, il va sans dire que vous devez disposer d’une stratégie de gestion de talents adéquate. Il est tout aussi crucial de veiller à ce que les processus et les technologies soient implémentés, adoptés et capables de soutenir cette stratégie. C’est l’enjeu auquel Seán Morris, Principal and US Talent Transformation Leader chez Deloitte, est confronté alors que l’entreprise se lance dans la plus grande transformation numérique de son histoire.

En tant que COO de la division GPS (US Government & Public Services) de Deloitte, laquelle pèse plus de 4 milliards de dollars, M. Morris a dirigé 16 000 collaborateurs aux États-Unis et dans le monde entier. Fort de plus de 28 ans d’expérience en tant que consultant, il a participé à certains des projets de transformation RH les plus ambitieux jamais entrepris dans les secteurs public et privé, avec notamment la création du département de la Sécurité intérieure en 2002 parmi ses nombreuses réalisations.

Dans le dernier épisode du Talent Transformation Podcast, Dimitri Boylan, CEO d’Avature, s’est entretenu avec M. Morris dans les bureaux de Deloitte à Washington pour échanger sur les clés d’une transformation à grande échelle réussie, le rôle stratégique des équipes de gestion des talents dans l’exploration de l’IA, et la manière dont la technologie contribue à exploiter le potentiel tant attendu des stratégies de gestion des talents basées sur les compétences.

De la réaffirmation de l’importance des principes clés à la promotion d’approches novatrices, nous avons sélectionné pour vous quelques-uns des points clés à retenir.

Pour démarrer avec une vision claire, vous devez d’abord définir clairement cette vision

Selon M. Morris, la réussite de toute transformation, qu’elle soit numérique ou autre, passe nécessairement par la définition d’un cap à suivre, c’est-à-dire une vision claire de l’objectif à atteindre et de la manière d’y parvenir.

Même si cela peut sembler paradoxal pour certains, encourager les doutes et les critiques à l’égard de cette vision permet d’accroître les certitudes à long terme. Tout comme on trempe une lame en la soumettant à une chaleur et à une pression intenses, une vision des talents ne devient une stratégie solide qu’en la soumettant aux opinions et aux feedbacks des parties prenantes dont dépendra sa réussite et auxquelles elle servira à terme. M. Morris est convaincu que le processus de renforcement de cette stratégie est « essentiel à la cohésion de tous ».

J’essaie toujours de commencer par une vision et une stratégie solides. J’entends par là une vision et une stratégie ayant fait l’objet de multiples discussions au sein de votre organisation et auprès de vos parties prenantes afin d’être éprouvées et consolidées. Elles seront en effet remises en question tout au long de ce processus de transformation qui s’étendra sur plusieurs années. Vous devez donc vous assurer que tout le monde les approuve et les soutiendra dans les bons comme dans les mauvais moments. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Invitez des professionnels talentueux à élaborer la solution et évitez qu’ils ne deviennent une partie du problème

Pour parvenir à une vision et à une stratégie solides, il est essentiel d’identifier et d’impliquer les principales parties prenantes dès le début. De même, il est important de communiquer de manière cohérente et bidirectionnelle. M. Morris estime que cela permettra non seulement de garantir que la stratégie atteigne son objectif, mais aussi que les utilisateurs finaux, impliqués dès le début dans le processus, mettront « leur patte » dans le changement et y seront beaucoup plus réceptifs. En les intégrant à la solution, ils seront moins susceptibles de devenir un problème lors de son lancement.

Il est crucial d’accompagner vos professionnels des RH, autrement dit les groupes qui seront les plus impactés par cette transformation, tout au long du processus… J’ai été témoin de plusieurs transformations infructueuses au fil des années et l’une des raisons de ces échecs réside dans le fait qu’elles n’ont pas été adoptées par les personnes concernées. L’approche de gestion du changement présentait des lacunes, n’avait pas été suffisamment anticipée ni appliquée de manière cohérente tout au long du processus. L’entreprise attendait généralement la dernière minute, juste avant la date d’implémentation [pour communiquer]…Et [les utilisateurs finaux] se retrouvent donc surpris et n’ont pas le sentiment d’avoir mis leur patte dans cette transformation, ce qui n’aurait pas été le cas en les incluant plus en amont et en les faisant participer à l’élaboration de la solution. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Obtenez l’adhésion du leadership avant de vous lancer dans une transformation numérique

Même si cela va sans dire, bénéficier d’un soutien solide de la part de la direction est essentiel à toute transformation réussie. Pour les parties prenantes réticentes, cet appui donnera plus de poids à toutes vos actions et vous garantira en cas de difficultés (inévitables dans toute transformation) le soutien financier et stratégique nécessaire pour les surmonter.

D’après M. Morris, la direction doit toujours avoir une vision claire et précise de la manière dont les objectifs de votre projet s’alignent avec ceux de l’entreprise. Il peut s’agir non seulement de la convaincre de la valeur du changement, mais aussi de renforcer progressivement sa confiance dans la capacité de votre organisation à atteindre ses objectifs.

Vous devez vous assurer que tous vos partenaires, directeurs généraux et principaux dirigeants adhèrent à cette démarche dès le début afin qu’ils comprennent pourquoi il est nécessaire d’y consacrer du temps et des ressources. […] Vous devez prouver que votre entreprise dispose de l’endurance nécessaire pour mener ce projet [de transformation numérique] à bien. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Adaptez votre transformation RH aux moteurs du changement

Savoir pourquoi il n’est plus possible de continuer sur la même voie est souvent aussi important que de savoir vers quoi tendre. Avoir une vision claire des moteurs du changement vous aidera à structurer votre approche pour la concrétiser.

Dans certains cas, la force motrice sera une vision de ce à quoi ressemblera l’écosystème des talents dans cinq ou dix ans et la nécessité de se positionner à l’avance. Selon M. Morris, cela permettra d’adopter une approche plus « progressive », dans laquelle vous pourrez élaborer votre stratégie au fur et à mesure. Votre transformation peut également résulter de changements imprévus sur le marché, auquel cas la rapidité de votre réaction sera primordiale.

Cela dépend avant tout de la fonction motrice de la transformation. Si vos concurrents vous prennent des parts de marché, vous ne voudrez peut-être pas adopter une approche trop progressive. Si vous êtes visionnaire dans votre domaine et que vous pensez que l’horizon que vous envisagez s’étend sur plusieurs années, vous pouvez peut-être vous permettre d’être un peu plus progressif. Tout dépend donc de la situation. Et de la volonté de [votre organisation] d’être un précurseur dans un domaine particulier. Dans certains secteurs, c’est un pari gagnant, mais dans d’autres, nous savons que la route est semée d’embûches pour les précurseurs. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

L’ambivalence est l’ennemi silencieux de la transformation, évitez-la à tout prix

M. Boylan et M. Morris s’accordent tous deux à dire que les jeunes générations en début de carrière expriment plus clairement ce qu’elles veulent et ne veulent pas. Elles posent plus de questions et ont des opinions plus tranchées. Du point de vue de la gestion du changement, M. Morris considère cela comme un « cadeau » et un signe d’engagement. Prendre en compte leurs préoccupations permet de les rallier à la cause et de les inciter à affiner et à faire adopter la solution.

En revanche, ceux qui se contentent de parler de transformation sans s’engager réellement sont souvent les plus nuisibles à un projet de changement. L’ambivalence est dangereuse précisément parce qu’elle a tendance à passer inaperçue et à ne refaire surface qu’une fois que l’implémentation a échoué. Comme le dit M. Morris, « l’ambivalence vous rattrape quand vous passez à la mise en service ». Il est beaucoup plus difficile de diagnostiquer et de traiter les problèmes si vous ne savez pas de quoi il s’agit.

Il existe heureusement des moyens d’atténuer ce risque grâce à une gestion minutieuse du changement et à une utilisation intelligente des données.

Plusieurs techniques peuvent être mises en place. L’une d’elles consiste à intégrer des « leaders du changement » dans différents aspects de l’organisation, en lien avec des populations auxquelles vous n’avez peut-être pas accès immédiatement. Il faut [également] poser des questions, écouter et analyser les données relatives à l’opinion des employés sur un processus ou une initiative en particulier que [vous] envisagez, puis mesurer régulièrement cette opinion. Si vous structurez correctement cette démarche, vous pourrez commencer à identifier certaines ambivalences. Il existe d’excellents outils […] qui nous fournissent des informations essentielles sur les populations clés susceptibles d’être plus avancées que d’autres dans cette phase de changement. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Les équipes de gestion des talents constituent un excellent tremplin pour intégrer l’IA, à condition d’instaurer un climat de confiance

Nous savons tous que l’intelligence artificielle, en tant qu’outil et contexte, aura un impact croissant sur notre façon de travailler à court et à long terme, et que pour tirer parti des opportunités qu’elle offre et éviter ses pièges, un changement culturel sera tout aussi nécessaire qu’un changement technologique. Nous commençons tout juste à entrevoir ses applications potentielles, sans parler de la création de la technologie nécessaire pour l’exploiter. Même si personne n’est encore en mesure d’apporter toutes les réponses, il est judicieux de commencer à se poser certaines questions.

Selon M. Morris, il n’y a « pas de meilleur domaine dans la structure d’une entreprise » que la gestion des talents pour commencer à explorer et à intégrer l’IA. Cela s’explique en grande partie par le nombre considérable de cas d’utilisation possibles, mais aussi et surtout par l’évolution du profil des personnes qui rejoignent aujourd’hui le secteur RH.

On trouve de plus en plus de personnes très innovantes occupant cette fonction importante qui est toujours plus cruciale dans toute entreprise. Elles jouent également un rôle essentiel en tant que gardiennes de nos collaborateurs, de leurs données et des règles que nous sommes tenus de respecter pour protéger nos individus. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Lorsqu’il s’agit d’encourager l’adoption, Dimitri Boylan, CEO d’Avature, s’empresse cependant de souligner que « se contenter d’ajouter du ChatGPT à tout et n’importe quoi est une très mauvaise idée ». Deloitte a plutôt choisi de réunir un groupe de volontaires issus de tous les secteurs de l’entreprise afin d’alimenter la curiosité des collaborateurs et d’encourager l’exploration du potentiel de l’IA.

L’idée était de créer une communauté capable de l’appliquer à certains aspects de son quotidien. Mettons en place des garde-fous, en précisant clairement ce que nous pouvons faire ou non, et voyons quelles approches innovantes peuvent être proposées. Renforçons ainsi la confiance et partageons-la au sein de la communauté. Je pense que cela a changé la donne pour nous. Cela permet d’aboutir à des idées et des approches formidables, que nous relayons ensuite. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Perspectives d’avenir : les compétences à l’honneur

Comme l’a souligné M. Morris, la transformation n’est pas une marchandise, mais un parcours. Alors que l’échange touchait à sa fin, le sujet s’est orienté vers la prochaine étape de ce parcours pour Deloitte.

Ce qui retient vraiment mon attention en ce moment, et sur quoi nous travaillons activement, ce sont les compétences. Nous réfléchissons depuis des décennies à la valeur que peut apporter une approche globale des compétences. La réalité est que la technologie n’était tout simplement pas au point. Elle n’était pas capable de gérer la complexité des données dont vous parlez. Nous venons toutefois de faire des progrès considérables dans ce domaine… Nous avons [ainsi] pu considérer les compétences comme une monnaie d’échange au sein d’une organisation. Les cas d’utilisation sur lesquels nous travaillons à cet égard sont vraiment très importants. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Les deux hommes s’accordent à dire que les logiciels basés sur l’IA qui soutiennent une approche axée sur les compétences atteignent désormais le niveau de maturité nécessaire pour changer la donne, avec des applications qui touchent tous les domaines, de l’innovation dans notre approche du sourcing à la mise en place d’une gestion des talents véritablement efficace.

Si cette nouvelle monnaie, qui permet de mieux prédire la réussite, vous donne les moyens d’augmenter la rapidité et la précision avec lesquelles vous déployez un individu, cela représente un avantage considérable en termes de résultats financiers. Et honnêtement, en termes d’expérience des talents. »

Seán Morris
Principal & US Talent Transformation Leader, Deloitte

Nous sommes donc une fois de plus confrontés à de nombreuses questions sur l’avenir des talents et l’imprévisibilité de ce qui nous attend. Pour les personnes les plus expérimentées dans la négociation d’une voie vers le changement, il est toutefois évident qu’il existe des principes directeurs pour éclairer la voie et des approches que nous ferions tous bien de prendre en considération.

Dimitri Boylan

Bienvenue dans ce nouvel épisode de The Talent Transformation Podcast. Nous recevons aujourd’hui Sean Morris, Principal chez Deloitte Consulting et US Talent Transformation Leader au sein de l’entreprise. Bienvenue Sean.

Sean Morris

Merci. Ravi d’être ici aujourd’hui.

Dimitri Boylan

C’est un réel plaisir de vous accueillir. Vous êtes quelqu’un de très occupé, c’est une chance de vous recevoir. Il y a beaucoup de sujets que je souhaite aborder avec vous. Donc, vous savez… D’abord, vous êtes en pleine transformation à grande échelle au niveau des talents chez Deloitte. Ce sujet m’intéresse. Vous avez également travaillé dans le domaine du capital humain pour le gouvernement américain et pour d’autres dans le monde pendant, je dirais, 20 ans. C’est bien cela ?

Sean Morris

Oui. Vous savez, j’ai été dans le monde du consulting depuis… J’en suis à ma 28e année. J’ai débuté en consulting traditionnel, par ce que j’appellerais la réingénierie des processus et les améliorations opérationnelles. Je dirais que j’y ai passé les deux premiers tiers de ma carrière. J’ai beaucoup travaillé dans le fédéral, surtout après le 11 septembre, avec la sécurité intérieure. Et comme c’est souvent le cas chez Deloitte, mes collègues de l’époque me disaient, « Pourquoi ne pas sortir de ta zone de confort et prendre la direction de notre activité de capital humain ? ». Pour être honnête, c’était il y a 12 ans environ, mon expérience dans ce domaine était très limitée. Je me suis dit : « D’accord, je vais essayer. » Et il s’agit probablement de la meilleure décision que j’ai prise, ou du moins l’une des meilleures de ma carrière. Cela m’a permis d’aborder un aspect différent du point de vue du consulting.

Dimitri Boylan

Donc, en travaillant à la sécurité intérieure, vous faisiez… toutes sortes de choses, pas forcément du capital humain. Vous étiez chargé de…

Sean Morris

Oui.

Dimitri Boylan

De tout ce dont ils s’occupent.

Sean Morris

Grandes transformations et technologie. À l’époque, c’était la mise en place d’une toute nouvelle organisation. Imaginez tout le travail d’intégration qui était en cours. Cette période était unique pour notre nation en raison des événements du 11 septembre. Puis, les conflits se sont multipliés au Moyen-Orient. C’était donc une période très intéressante. On a traité tous les sujets, de la sécurité des frontières à l’immigration. J’ai beaucoup travaillé dans le domaine de l’immigration, via l’efficacité opérationnelle au sein de cette agence. C’était donc une période très intéressante pour déployer ses ailes en tant que consultant d’une manière vraiment unique. Ces organisations ne se manifestent pas souvent.

Dimitri Boylan

Presque jamais, n’est-ce pas ? Donc… Vous intégrez ensuite le capital humain de Deloitte. Deloitte, l’un des leaders, sinon le leader, en matière de capital humain dans le secteur du consulting. Il s’agit déjà d’un sacré mastodonte, n’est-ce pas ? C’était quand même une entreprise de plusieurs milliards de dollars, quelle a été votre impression ? Êtes-vous arrivé en pensant changer beaucoup de choses ? Cherchaient-ils le changement ?

Sean Morris

Oui, en effet.

Dimitri Boylan

D’accord.

Sean Morris

Oui, oui. C’était à l’époque où notre activité gouvernementale en était encore… notre activité fédérale du moins, en était encore à ses balbutiements. Elle a depuis pris une ampleur considérable. Il s’agit d’un élément important du réseau Deloitte aux États-Unis. La pratique du capital humain constituait la plus petite partie de ce que nous appelions à l’époque nos domaines de service. L’un des objectifs de mon arrivée était donc d’élargir notre empreinte, mais aussi nos offres, et de réfléchir stratégiquement, et peut-être de manière moins conventionnelle, à notre approche du capital humain : sa définition, ses bénéficiaires et ses champs d’intervention. J’ai donc travaillé avec un groupe de leaders très talentueux. Nous avons mis en place une nouvelle stratégie. Nous avons élargi notre offre. Nous avons abordé l’aspect technologique d’une manière bien plus significative. Le reste appartient à l’histoire.

Dimitri Boylan

Bien. J’aimerais y revenir un peu plus en détail, mais restons sur cette idée de passer d’un rôle à l’autre. Vous avez ensuite quitté ce domaine pour diriger la transformation numérique chez Deloitte. Une grande transformation numérique. Mais… Vous pourriez prendre du recul et dire « Deloitte aide d’autres entreprises à opérer une transformation numérique. » Et il s’agit probablement d’une grande partie des activités de Deloitte. Cette entreprise de consulting a toujours été centrée sur les personnes. Alors pourquoi Deloitte a-t-elle besoin de se transformer numériquement ?

Sean Morris

Deloitte doit être agile et en constante évolution, tout comme ses clients. Notre espace professionnel évolue régulièrement, sur le plan du marché des talents… Nous œuvrons pour attirer et fidéliser et faire évoluer les meilleurs éléments du marché. Le marché n’est pas statique. Nous devons constamment nous remettre en question pour penser et faire évoluer l’expérience des talents. Le marché n’est pas statique pour nos clients. Leurs besoins évoluent donc de manière relative. Et il est évident que nos concurrents et nos partenaires changent et évoluent tout aussi régulièrement. Nous ne vivons donc pas en vase clos, nous devons sans cesse évoluer. C’est l’un des points pour lesquels nous sommes doués. C’est un levier majeur de notre réussite. Nous existons depuis longtemps, et nous savons faire face aux évolutions internes chez Deloitte.

Dimitri Boylan

Vous joignez l’acte à la parole, en prêchant le changement et la capacité de changer.

Sean Morris

Oui, tout à fait.

Dimitri Boylan

Il serait malhonnête de ne pas vouloir changer tout le temps.

Sean Morris

J’aime bien d’ailleurs parler de nos pratiques à nos clients. C’est une manière authentique de partager nos réussites, nos échecs, et les leçons que l’on applique ensuite chez nos clients. Tout cela fait partie de l’approche et du système que nous avons. Nous considérons l’ensemble du cycle de vie des talents, du recrutement à la retraite. Nous avons repensé la façon dont nous utilisons la technologie et notre approche client en matière de gestion des talents chez Deloitte. C’était une vaste transformation de nos processus et de notre technologie, et un parcours de changement majeur, comme on peut l’imaginer, pour notre gestion des talents, sans doute la partie la plus importante, mais aussi pour nos clients, ceux qui accompagnent nos clients au quotidien.

Dimitri Boylan

Vous aviez vraiment un avantage, parce que vous aviez déjà exposé ces idées de transformation numérique à vos clients, et de façon régulière avant de devoir mettre en œuvre vos propres idées. Cela semble plutôt bien, n’est-ce pas ? La plupart de nos clients n’ont pas cette possibilité. Ils doivent se lancer et démarrer, vous savez, à froid. Et réussir du premier coup. Et votre transformation numérique est… en termes d’échelle.

Sean Morris

C’est la plus grande transformation que nous ayons jamais entreprise.

Dimitri Boylan

Pour l’entreprise ?

Sean Morris

Oui. Nous sommes une entreprise de services professionnels. L’humain est notre cœur de métier. Nos collaborateurs sont au cœur de notre stratégie. Ils sont notre principal atout car ils sont en contact avec nos clients. Donc, si vous regardez cela du point de vue des données, si vous regardez cela du point de vue de la complexité, cela représente la plus grande transformation jamais entreprise.

Dimitri Boylan

Oui c’est plutôt énorme, du niveau d’une grande entreprise américaine. Et donc, faites-vous venir des gens ? Comment créez-vous ce processus de transformation en interne ? Vous avez tout un groupe de personnes qui travaillent pour d’autres entreprises, aidant les autres à y parvenir. Cherchez-vous à réorienter l’expertise en matière de consulting en interne ? Comment décidez-vous d’aborder cette question ?

Sean Morris

Comme nous le faisons avec nos clients, en fait. Il est évident que nous disposons d’un niveau d’expertise important en gestion des talents et en informatique, en interne. Nous y apportons ensuite les frameworks et les meilleures pratiques de notre activité de consulting. Nous les associons pour conduire le changement et la transformation que nous connaissons. C’est intéressant parce que j’aime dire à cette équipe combinée que nous sommes un client interne unique du consulting, mais que nous portons aussi le même badge. Tous les participants à ce projet portent un badge Deloitte. Cela rend le projet unique, lorsque vous réfléchissez à la culture de l’équipe et à la façon de continuer à avancer. C’est plus nuancé, mais nous adoptons les mêmes approches pour nos clients, que pour nous-mêmes.

Dimitri Boylan

Vous êtes donc en train de redéfinir vos fondations pour atteindre un niveau plus élevé d’agilité à l’avenir. Quels sont les grands objectifs de la transformation, outre le fait de jeter les bases d’une plus grande agilité à l’avenir ? L’entreprise pense-t-elle : « C’est génial, nous allons devenir plus rentables, c’est génial, nous allons devenir plus efficaces, c’est génial, notre capacité de service va augmenter » ? Quels sont les principaux résultats qu’ils pensent obtenir ? Ou s’agit-il de fidéliser la main-d’œuvre ? Quels sont les résultats matériels à moyen terme d’une transformation réussie ?

Sean Morris

Nous voulons être les meilleurs sur le marché du point de vue de l’expérience des talents. Notre gestion des talents est un ingrédient incroyablement important de cette expérience des talents. C’est donc la priorité absolue. Continuons-nous à être à l’avant-garde de cette expérience des talents ? Je dirais que l’efficience et l’efficacité resteront des priorités. Au final, nous sommes des consultants en gestion. Mais c’était très secondaire. Il s’agissait de continuer à investir dans l’expérience des talents et d’être les meilleurs possibles. L’automatisation et la technologie sont un moyen d’y parvenir. Un autre moyen consiste à aider vos professionnels des talents à conseiller à la fois nos dirigeants, des groupes plus larges de talents et des individus sur le cycle de vie des talents que j’évoquais plus tôt. Donc… Passer de… Nous l’avons souvent constaté dans le secteur. Nous en avons déjà parlé.

Dimitri Boylan

Je m’apprêtais à revenir dessus.

Sean Morris

Oui, il y a 20 ans, la place des RH était différente. Aujourd’hui, elles jouent un rôle bien plus consultatif, pour des contextes et besoins spécifiques, afin d’offrir la meilleure expérience, chose difficile à faire auparavant. C’est pourquoi guider ces professionnels des talents a été notre priorité dans cette transformation des talents.

Dimitri Boylan

D’accord, c’est intéressant. Vous saviez donc très bien où vous alliez. C’est évidemment important. Mais… Comment en informer tout le monde ? Est-ce que vous communiquez massivement à l’avance ? Une fois que vous avez cette vision, faites-vous le tour des personnes pour vous assurer que tous y ont adhéré avant de commencer ? Ou cela vous importe-t-il peu ? Les laissez-vous se débrouiller ?

Sean Morris

Il est crucial que vos parties prenantes clés y adhèrent dès le départ. Deloitte, c’est un partenariat, nous ne sommes pas cotés en bourse, donc tous nos partenaires, directeurs, directeurs généraux, comme nous aimons les appeler, nos principaux leaders, élément clé de nos parties prenantes, doivent participer au projet dès le tout début pour comprendre à quoi nous consacrons notre temps et nos ressources.

Dimitri Boylan

C’est donc dans votre ADN. Consensus au sein du leadership.

Sean Morris

Oui.

Dimitri Boylan

Absolument.

Sean Morris

Nous nous efforçons de garder cela au cœur de notre ADN. J’adore ce terme. Vous voulez amener vos professionnels des talents, ces groupes qui seront le plus impactés par cette transformation, à suivre ce processus de manière continue. Il s’agit donc d’un ensemble de communications très normalisées, structurées dirons-nous, et pas seulement dans un sens. Nous expliquons donc ce que nous allons faire. Nous voulons que nos professionnels des talents, soient très actifs dans le cadre de cette transformation. Parce qu’en fin de compte, ce sont eux les experts fonctionnels. Et ce sont eux qui sont les plus proches des clients.

Dimitri Boylan

Oui. Et ce sont eux dont le service est censé s’améliorer.

Sean Morris

Exactement.

Dimitri Boylan

Ils doivent donc savoir…

Sean Morris

C’est exact.

Dimitri Boylan

Ils doivent avoir une aspiration. Ils doivent aspirer à un niveau de service plus élevé avant de leur expliquer comment vous allez les aider à y parvenir. Sans quoi ils ne seraient pas enthousiasmés par ce dont vous parlez.

Sean Morris

Ce parcours du changement commence donc très tôt dans la transformation. J’ai vu des transformations échouer au fil des ans. Et l’une des raisons de cet échec est qu’elles n’ont pas été adoptées par les personnes concernées. La principale raison, selon moi, c’est que l’approche de gestion du changement présentait des lacunes, n’était pas assez anticipée et manquait de cohérence durant le processus. Tout se faisait à la dernière minute, juste avant les dates d’implémentation. Ils parlaient de formation et de communication. Ce n’était pas ça. Les gens sont donc surpris et n’ont pas le sentiment d’avoir mis leur patte dans cette transformation, ce qu’une participation anticipée à la solution aurait permis d’éviter.

Dimitri Boylan

C’est un énorme travail.

Sean Morris

En effet.

Dimitri Boylan

Lorsque vous vous adressez à un client qui n’a pas encore initié de transformation, quelles bases lui recommandez-vous d’établir en amont ?

Sean Morris

J’essaie toujours de commencer par une vision et une stratégie solides. Ce qui n’est certes pas très original. Mais, j’entends par là une vision et une stratégie ayant fait l’objet de discussions au sein de votre entreprise et avec vos parties prenantes afin d’être éprouvées et consolidées. Elles seront testées sur des années, tout au long de cette transformation. Il faut donc s’assurer que tout le monde les approuve et les soutienne. Ce sera l’étoile polaire, pour ainsi dire, qui vous guidera dans les bons et les mauvais moments. Et ce, comme dans toute transformation. Des détours seront à prévoir et il faudra savoir réagir. D’où l’importance de définir et renforcer la vision et la stratégie dès le départ afin d’obtenir l’adhésion de tous et maintenir un cap commun. Et dernière chose, selon moi, et d’après mon expérience voir les choses en trop grand peut-être distrayant et vous inciter à intégrer pleins d’éléments nouveaux au projet de transformation. Être plus spécifique permettra à chacun de bien comprendre les limites de cette transformation.

Dimitri Boylan

Il sera ainsi plus simple de résister à la pression, laquelle est inévitable.

Sean Morris

Effectivement.

Dimitri Boylan

Elle peut-être assez importante. Et pensez-vous que, lors de vos transformations… ? Vous en avez fait beaucoup pour le gouvernement. Abordons le domaine du gouvernement car vous y avez été très actif, impossible de vous laisser partir sans en discuter. Comment… ? Peut-on comparer les transformations au sein du secteur public à celles du secteur commercial ? Ou.. Ou sont-elles totalement différentes ? Vous voyez ?

Sean Morris

Je pense qu’il y a des différences évidentes. Clairement. L’ampleur des transformations gouvernementales éclipse tout ce que vous avez pu voir auparavant. Il existe évidemment de très gros clients commerciaux mondiaux, mais si l’on considère les transformations fédérales, l’ampleur et la complexité des missions et des personnes qu’elles servent dans notre pays et dans d’autres pays, c’est tout à fait unique. Il s’agit donc bien de différences. Il y a une pléthore de parties prenantes différentes, certaines sont politiques, d’autres constitutives, c’est ce qui rend la situation un peu unique également. Le parcours du changement et la technologie ont beaucoup de points communs une fois les aspects uniques d’une transformation gouvernementale mis de côté. Honnêtement, la technologie doit être au niveau. Il faut assurément trouver la bonne solution. Elle doit être au niveau dès les exigences puis tout au long de la conception, des tests, de la mise en service et du suivi. C’est la base. Faire preuve de rigueur à ce niveau-là vous aidera beaucoup. Ce qui est cependant très similaire, c’est la manière dont vous accompagnez ces parties prenantes uniques dans leur parcours, du début à la fin. C’est là que je vois le plus de similitudes, même si les types de parties prenantes sont différents. La manière dont vous appliquez… votre art, pour ainsi dire, du point de vue du changement, est toujours un défi, mais il y a de vraies similitudes entre ces deux aspects, commercial et gouvernemental.

Dimitri Boylan

Vous regardez donc le graphique circulaire du temps, des efforts et de l’argent que vous allez consacrer à la transformation, et vous devez faire des découper des parts dans ce graphique. Et… Mais, ces découpages ne sont pas toujours bien faits pour certaines entreprises Qu’en pensez-vous ? Je veux dire que… Lorsque vous conseillez les entreprises, vous en parlez probablement, mais cette conversation en amont représente beaucoup de travail.

Sean Morris

Cela arrive. Je ne sais pas s’il existe une réponse parfaite à cette question. Cela dépend. Et si je dis cela, c’est parce que chaque organisation a une culture et un modèle opérationnel légèrement différents. Commençons par le modèle opérationnel. Notre modèle opérationnel est très matriciel. Nous avons une large base de leaders dont j’ai parlé plus tôt. Nous sommes à bien des égards une entreprise assez décentralisée. Nous sommes aussi une culture qui veut s’engager, qui a une voix, puisque nous sommes plusieurs associés, et cela pose certains problèmes. Juxtaposez cela à une organisation gérée de manière bien plus centralisée, comme une entreprise cotée en bourse, assez réglementée. Bien que certains aspects de notre activité soient réglementés. C’est peut-être assez réglementé. C’est une culture différente, un modèle opérationnel différent. Il faut donc y penser dès le début de la planification et travailler avec ces hauts responsables pour déterminer ce qu’il faut faire pour réussir. Tous nos clients ne veulent pas commencer par cet enchaînement d’événements. Il faut donc faire preuve d’agilité et s’adapter à toute transformation. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles vous faites cela. Ce n’est pas parce que vous ne suivez pas une séquence ou un manuel de stratégie que vous ne réussirez pas. Mais il faut bien revenir à certains éléments de ce manuel à un moment pour les remettre en valeur afin de réussir.

Dimitri Boylan

Il existe différents chemins pour y parvenir. Prenons l’exemple d’une grande entreprise manufacturière qui existe depuis 100 ans. Une approche descendante, axée produits, et des cycles de vie des produits très longs. Peut-être six, sept, huit, dix ans. Par conséquent, on n’y change pas beaucoup de choses régulièrement. Ces personnes ne sont pas allées à l’université pour devenir consultants. Elles ont intégré un autre type d’organisation. Leur expérience est différente. L’entreprise veut se transformer. Diriez-vous : « Réduisons le périmètre ? » L’une des autres voies consiste en une approche incrémentale, en « commençant petit », proposez-vous cela à une entreprise qui veut se transformer ?

Sean Morris

Absolument.

Dimitri Boylan

Ne suivez pas notre exemple.

Sean Morris

Absolument.

Dimitri Boylan

Nous ferons les choses différemment.

Sean Morris

Il faut prouver que l’on a l’endurance nécessaire pour se lancer. On ne dira sûrement pas ça à un client, mais parfois les clients nous le disent. Je pars d’une perspective pilote et prouve aux parties prenantes sceptiques, internes ou externes à l’organisation, que nous pouvons le faire. Prouver que nous pouvons le faire et montrer les résultats. Cela nous donnera l’élan nécessaire pour aller un peu plus loin dans l’étape suivante. Ce n’est pas une mauvaise stratégie. Tout dépend de la force et de la fonction de la transformation.

Dimitri Boylan

Cela peut être urgent.

Sean Morris

Si vos concurrents vous prennent des parts de marché, vous ne voudrez peut-être pas adopter une approche trop progressive. Si vous êtes visionnaire et que vous pensez que l’horizon que vous envisagez s’étend sur plusieurs années, vous pourrez progresser par étapes. Cela dépend. C’est pourquoi il est très important de comprendre et d’approfondir sa connaissance du client. Cela constitue un autre aspect de la réussite de nos clients. Il faut comprendre leur structure opérationnelle, ce qui les fait fonctionner. Tout cela semble évident.

Dimitri Boylan

Oui, c’est évident, mais ce n’est pas toujours le cas.

Sean Morris

C’est vrai.

Dimitri Boylan

La cause profonde de la perturbation, à savoir la raison de la perturbation, est un point majeur. Il arrive de s’adresser à une entreprise et d’obtenir des réponses différentes de la part de cadres ayant une expérience différente, un point de vue différent au sein de l’entreprise. Et parfois… N’est-ce pas simplement de la peur ? Vous savez, la peur d’être perturbé alors que vous ne l’êtes même pas encore.

Sean Morris

Dans ce cas, nous prenons du recul. Nous faisons souvent une première série de sprints avec eux pour assembler les différents… J’aime penser à des blocs de Lego, pour être en mesure d’aller là où ils veulent aller. Avons-nous pensé à cette pièce ? Qu’en est-il de celle-ci ? Quel est votre niveau de maturité sur cette pièce en particulier ? Ils font partie intégrante de cette discussion. Vous voulez les accompagner dans ce parcours pour qu’ils comprennent quels sont les éléments fondamentaux de ce qu’ils ont aujourd’hui. Un saut rapide suffirait-il à aller là où ils veulent aller ? Ou faut-il construire un pont ? Très bien. Et cela dépend de la situation, et de leur volonté d’être un précurseur dans un domaine particulier. Dans certains cas et secteurs, c’est un pari gagnant, mais dans d’autres, la route est semée d’embûches pour les précurseurs. N’est-ce-pas ?

Dimitri Boylan

Cela dépend donc du secteur et de l’entreprise.

Sean Morris

Nous souhaitons finalement aborder les choses de manière holistique, afin de favoriser la réussite. Nous souhaitons… Nous souhaitons notre réussite autant que celle de nos clients. Ce n’est pas une marchandise. La transformation est plutôt un parcours. Et vous devez parcourir ce chemin ensemble. Il faut établir la confiance avec le client et les parties prenantes. C’est une bonne façon de commencer à créer les fondations qui vous permettront d’avancer dans la bonne direction. Souvent, nous constatons qu’il y a des moments Eurêka, pour nous et pour les clients, où l’on se dit : « Au début, on pensait prendre cette direction, mais il faut revoir certains éléments, alors suivons plutôt cette voie avant de reprendre. »

Dimitri Boylan

Vous vous adaptez donc au fur et à mesure.

Sean Morris

C’est exact.

Dimitri Boylan

Parlons… un peu plus en détail des processus de transformation. Lorsque vous menez de grands projets, le cap à suivre est déjà défini. Vous avez trouvé la cause première de la perturbation et l’entreprise ne veut pas agir en premier. Agir en premier, c’est trop risqué et trop réglementé. Elle recule un peu sur certaines choses, mais veut devenir une entreprise fondamentalement agile. Comment lui expliquer ce que la technologie doit pouvoir faire ? Pas les technologies elles-mêmes, mais ce dont vous avez besoin pour parvenir à ses fins ?

Sean Morris

Vous devrez peut-être souvent repenser votre mode de fonctionnement actuel pour l’adapter à la technologie que vous implémentez. Je suppose que vous et moi appartenons à la même génération. Nous avons été habitués à un environnement personnalisé conçu en fonction de celui que nous avons aujourd’hui. Je pense que l’un des aspects uniques, et selon moi, positifs de notre évolution du point de vue de la transformation et de la transformation technologique est que l’adaptation à la technologie, ou du moins le fait d’y faire face en procédant à une refonte de la prestation de services dans notre cas, est un point d’inflexion évident lorsque l’on commence à réfléchir à ces technologies. Cela permet aux personnes concernées, ayant participé à la refonte de la prestation de services, d’accompagner le processus. Elles seront plus enclines à s’adapter et à adopter la technologie à l’avenir. J’ai parfois constaté, même au sein de notre propre organisation, une tendance à penser que la technologie va tout résoudre. C’est parfois le cas.

Dimitri Boylan

Parfois.

Sean Morris

Mais pas à l’échelle de la transformation dont nous parlons aujourd’hui. Ce n’est pas très courant.

Dimitri Boylan

En effet. Comment gérez-vous… Remarquez-vous une différence ? Nous parlions des différences entre les générations. Lorsque vous participez à ces projets, voyez-vous une différence générationnelle dans la manière dont les gens les adoptent et y réagissent ?

Sean Morris

Je pense que oui. Oui, il y a des spécificités. Je n’aime pas particulièrement…

Dimitri Boylan

Les modèles de génération.

Sean Morris

Catégoriser selon la génération. Ces généralisations sont grossières. Il est plus intéressant de voir comment une génération a grandi au contact de technologies et environnements uniques. Et, il s’agit… Il s’agit d’une façon plus intéressante de réfléchir à leur adaptabilité, et à leur propension à accepter le changement. Il est donc utile de décomposer cela. Tout le monde ne va pas correspondre à chacun des éléments des groupes homogènes que nous cherchons souvent à définir.

Dimitri Boylan

Ils sont différents. Leurs expériences en matière d’éducation et de technologie sont différentes. Vos attentes en matière de carrière sont aujourd’hui totalement différentes. L’aptitude à la technologie est très élevée. Le niveau d’études est différent. Les attentes en matière de carrière sont également très différentes. Vous placez ensuite cette personne dans un processus de transformation. Certaines personnes ne sauront même pas de quoi il s’agit, se demandant : « Qu’entendez-vous par transformation ? », « C’est le travail ».

Sean Morris

Je ne l’ai pas constaté. Je ne pense pas que nous ayons atteint l’utopie de la transformation.

Dimitri Boylan

Ils ont quitté l’école et ne travaillent pas encore.

Sean Morris

Ils arrivent sur le marché du travail. Si je dis cela, c’est parce que, d’après mon expérience, et il s’agira encore d’une généralisation, mais ce que j’ai observé, c’est que leur voix est plus forte que celle des générations précédentes. Ils ont des questions, des opinions plus tranchées, ce qui, à mon avis, est très utile. J’en déduis que chacun veut mettre sa patte dans cette transformation.

Dimitri Boylan

Autrement, ils ne veulent pas travailler.

Sean Morris

En effet. C’est mon constat jusqu’à présent.

Dimitri Boylan

Oui à moi aussi.

Sean Morris

La génération suivante, celle qui leur succède, est similaire. Au-delà, on pouvait s’en tirer en disant : « Cela a été fait pour vous. » « C’est bon, vous en faites partie. » Du point de vue du parcours du changement, c’est un cadeau si vous menez une transformation, car le pire en matière de changement c’est l’ambivalence. L’ambivalence vous rattrape quand vous passez à la mise en service. Vous voulez donc qu’ils s’engagent.

Dimitri Boylan

Oui, c’est intéressant parce que vous avez mentionné tout à l’heure le fait de traiter avec les personnes peu réceptives. Vous savez, la résistance. Et c’est… Vous avez raison. L’ambivalence est dangereuse. Parce que la résistance, vous pouvez l’identifier et vous concentrer sur ces gens. Vous pouvez travailler à les convaincre. Mais les personnes ambivalentes ne sont pas si faciles à identifier.

Sean Morris

Non.

Dimitri Boylan

Rien n’avance, c’est tout. Et vous ne savez pas pourquoi.

Sean Morris

Oui.

Dimitri Boylan

Bien. Il s’agit d’un risque caché dans une grande transformation. Alors, comment l’éliminer ? Comment savoir si l’on vous suit simplement… car vous êtes là, et une fois le dos tourné, c’est fini.

Sean Morris

Il existe un certain nombre de techniques à utiliser tout au long du parcours. L’une d’entre elles consiste à intégrer, je dirais, des leaders du changement dans différents aspects de l’organisation liés de manière beaucoup plus étroite aux différentes populations que vous ne pouvez peut-être pas atteindre de manière immédiate. Je suis un grand partisan des données, un fervent partisan. Il faut aller sur le terrain, demander, écouter et calculer ces données sur le sentiment que suscite un processus ou une mesure particulière que nous envisageons. Mesurez ces données et examinez-les en permanence car, avec le temps, vous verrez apparaître des schémas. Vous pourrez même y percevoir en partie l’ambivalence avec la bonne structure. Les données sont nos amies. Ce qui fait la beauté de la technologie et de l’automatisation de ces 20 dernières années. Il existe des outils formidables qui nous aident à y parvenir sans nous distraire, fournissant des informations clés sur les populations clés pouvant être plus avancées que d’autres dans ce processus.

Dimitri Boylan

Je vois donc comment cela peut fonctionner dans votre modèle, où les grandes idées représentent l’étoile polaire. Lorsque vous passez à la transformation, vous identifiez en quelque sorte la mise en place de la partie numérique pour faciliter les processus de transformation additionnels que vous réaliserez. Une bonne utilisation de la plateforme permet d’accéder aux données. En l’absence de plateforme, alors que vous êtes en pleine transformation en l’absence de technologie, vous n’avez pas accès aux données.

Sean Morris

C’est exact. Il existe des méthodes traditionnelles non automatisées. Elles sont plus lentes, compliquées et, honnêtement, détournent davantage l’attention des groupes qui font partie de votre transformation. Or, vous cherchez à ce que ce soit intégré. C’est ce dont nous avons l’habitude. Pensez donc qu’à chaque fois que vous achetez quelque chose de votre marque préférée, vous allez recevoir un suivi. Ils savent que tout le monde ne va pas y répondre. C’est une nuisance. Certains y répondront, d’autres non. C’est donc ancré dans notre environnement et notre communauté de nos jours, c’est pourquoi c’est si présent.

Dimitri Boylan

Le phénomène de l’engagement est un processus géré basé sur des données. Le feedbacks visent à stimuler un autre niveau d’engagement. Je pense qu’aujourd’hui, tout le monde a vraiment compris cette idée. Donc… Parlons de cette plateforme. Revenons à la technologie. Votre stratégie technologique est-elle modifiée par l’émergence de l’IA et des grands modèles de langage ? Si c’est le cas, savez-vous déjà de quelle manière elle va changer ou est-il encore trop tôt ?

Sean Morris

Nous n’en sommes qu’aux prémices. Il y a deux ans, mon fils est rentré de l’université, mon cadet, et il a commencé à parler d’IA générative et de ChatGPT. J’en avais entendu parler. J’aime penser que je suis aussi un peu geek. Mais je n’avais pas pensé à la pratique. Il racontait ce que ses amis faisaient, ils rédigeaient leurs devoirs.

Dimitri Boylan

Ce qu’ils y écrivaient…

Sean Morris

C’était il y a deux ans. C’était il y a quelques années. Nous pouvons parler longtemps de l’évolution de l’IA. Je serais ravi de répondre à vos questions à ce sujet et d’en discuter. Je pense que je vais utiliser un exemple avant de parler de l’IA.

Dimitri Boylan

Ne nous engageons pas trop là-dedans. On en aurait pour des heures.

Sean Morris

En ce qui concerne l’IA, je pense qu’il n’y a pas de meilleur domaine dans la structure d’une entreprise que la gestion des talents pour commencer à explorer l’IA. Cela s’explique par le fait, et vous le savez, que vous avez de nombreux cas d’utilisation que vous pouvez appliquer. De plus en plus de personnes très innovantes occupent cette fonction importante, et de plus en plus importante, dans toute entreprise. Elles jouent également un rôle important en tant que gardiennes de nos employés et de leurs données, ainsi que des règles que nous devons respecter pour protéger nos employés, comme celles d’une ville, d’un État ou du gouvernement fédéral. J’aime cet équilibre. Dans le domaine de la gestion des talents, les garde-fous sont respectés.

Dimitri Boylan

Mais pour un DRH, il s’agit d’une opportunité énorme et d’un sacré risque à la fois. L’un ne va pas sans l’autre. Et un DAF pense certainement pouvoir grandement recourir à l’IA. Mais, vous savez, quand vous êtes dans les RH, l’IA est… Le genre d’outil qui peut vous permettre de traiter la complexité du comportement humain à un niveau inaccessible avec la technologie, non ? Il est encore trop tôt pour imaginer exactement ce à quoi l’avenir ressemblera. Pour ma part, j’estime qu’il faut associer la transformation numérique à un framework numérique. Aussi, il faut être bien avancé sur cette voie avant de s’engager sur une autre. Utiliser ChatGPT par-dessus tout n’est pas une bonne idée. Utiliser l’IA au sein de son entreprise de manière stratégique pour ajouter de la valeur avec un faible risque et comprendre cette matrice nécessite d’avoir une sorte d’ensemble numérique organisé de plateformes et d’expériences. Autrement, il n’y a pas de contexte.

Sean Morris

C’est exact. Vous savez, l’une des choses, puisque nous parlons de l’IA, que nous avons choisi de faire d’un point de vue stratégique en matière de gestion des talents a été de renforcer la communauté IA au sein des talents. Pourquoi ? Et cela me semble raisonnable… Il existe des sceptiques sains. Il y a des personnes qui sont certainement des pionniers et qui veulent atteindre des sommets. Pendant que nous analysions quelles plateformes d’IA numériques l’entreprise devait implémenter nous allions opter pour des plateformes de fournisseurs et en créer nous-mêmes dans une moindre mesure. Nous souhaitions créer pour les cas où nous avions nos propres plateformes, une communauté de personnes simplement intéressées par les avantages de l’IA au quotidien. Cette communauté, soit dit en passant, représente environ 20 % de notre population totale de talents. Plus de 25, c’est beaucoup. Le pourcentage de personnes qui reviennent sur certains de ces outils que nous avons mis en place est le plus élevé de toute l’entreprise. L’idée était donc de créer une communauté capable d’appliquer ces outils à certains aspects du quotidien. Mettons en place des garde-fous, pour définir ce qu’il est possible ou non de faire, et voyons quelles approches innovantes en ressortent. Renforçons ainsi la confiance et relayons cela en tant que communauté. Je pense que cela a changé la donne pour nous.

Dimitri Boylan

Oui.

Sean Morris

Cela a été un véritable tournant.

Dimitri Boylan

C’est intéressant.

Sean Morris

Tous veulent s’engager sur la voie de la technologie et c’est très bien. Mais au bout du compte, notre culture doit accepter et soutenir une initiative aussi ambitieuse que l’IA. Nous sommes sur la bonne voie. Des idées et des approches formidables sont proposées que nous relayons.

Dimitri Boylan

Vous devez ensuite les analyser.

Sean Morris

Oui, c’est vrai.

Dimitri Boylan

Si c’était à toute l’entreprise de faire cela, vous seriez submergés, distraits. Et vous ne pourriez même pas séparer le bon grain de l’ivraie.

Sean Morris

Ils sont volontaires en fait. Ces personnes donnent de leur temps parce qu’elles sont vraiment intéressées.

Dimitri Boylan

Oui.

Sean Morris

Revenons rapidement à votre question sur le machine learning. Lorsque vous disposez de cette plateforme numérique, que pouvez-vous faire avec ? La chose qui m’enthousiasme le plus… Beaucoup de choses m’intéressent, mais un élément retient vraiment mon attention, et nous progressons très vite. Les compétences.

Dimitri Boylan

Bien sûr.

Sean Morris

Nous réfléchissons aux compétences et à l’intérêt d’une approche globale des compétences depuis des dizaines d’années. La réalité, nous le savons tous les deux, c’est que la technologie n’a tout simplement pas été… n’a jamais atteint la complexité des données dont vous parlez. La technologie vient tout juste de faire un bond en avant. Le machine learning en est certainement un élément important, mais il y a aussi l’IA, qui nous permet maintenant de considérer les compétences comme une monnaie d’échange au sein d’une entreprise. L’ensemble du cycle de vie est important. Un élément important de notre activité est que les membres de notre équipe passent d’un client à l’autre très régulièrement.

Dimitri Boylan

Et développent leur compétences.

Sean Morris

C’est ce que nous appelons le déploiement. Si vous pouvez augmenter la rapidité et la précision avec lesquelles vous déployez un individu, grâce à cette nouvelle monnaie, qui permet de mieux prédire la réussite, selon nous, cela représente un avantage considérable en termes de résultats financiers et en termes d’expérience des talents. Il ne s’agit pas seulement pour notre entreprise d’augmenter ses résultats, mais aussi pour le talent d’avoir la bonne expérience pour un client particulier. Vous commencez par cela, mais le résultat…

Dimitri Boylan

C’est une autre chose très précieuse pour vous. Nous pourrions nous attarder sur ce point, car ce que vous faites, qui est en quelque sorte un élément de base de votre activité, mettre les bonnes personnes au service du bon client avec les bonnes compétences, au moment opportun, est ce que bien des entreprises dans leur transformation, la partie RH de leur transformation numérique, essaient d’imiter en interne avec leurs programmes de mobilité interne. Elles essaient d’avoir le bon employé sur le bon projet, au bon moment, puis plus tard sur un autre projet et d’augmenter le rendement de ces individus et des groupes qu’ils intègrent et quittent et réduire la rétention. Elles essaient de reproduire la même chose, sauf qu’elles n’ont pas de pratiques commerciales qui les obligent à le faire. Il y existe une pratique qui dit consiste à dire : « Nous sommes clairement plus rentables et nos clients sont plus heureux si l’on dispose du bon consultant. » Ils ont… L’idée est là, mais… Ils n’ont pas de force extérieure qui les oblige à essayer d’atteindre cette optimisation. Vous êtes donc en plein projet. Le plus grand projet de Deloitte. Vous essayez de préparer le terrain pour le Deloitte du futur. Et l’entreprise… Vous avez un consensus. Vous avez beaucoup d’expérience. Tous dans votre entreprise sont bien adaptés au changement. Vous pratiquez ce processus de transformation avec vos clients depuis longtemps et vous avez donc beaucoup d’expérience. Votre activité semble vous passionner.

Sean Morris

J’adore.

Dimitri Boylan

Cela semble en effet très intéressant. Que ferez-vous lorsque vous aurez terminé cette grande transformation numérique ? Allez-vous retourner sur le terrain aider les clients ? Serez-vous de retour au gouvernement ? Ce dernier a d’énormes défis à relever, et ce, en matière de compétences, de main-d’œuvre et d’efficacité qui découlent de l’amélioration de tous ces aspects. Pensez-vous y retourner ou continuer à travailler chez Deloitte ?

Sean Morris

C’est une bonne question. Je ne suis pas sûr d’avoir la réponse. C’est une conversation que je commence à avoir avec mon responsable de la performance ou son équivalent, et certains de nos cadres supérieurs. Je plaisante en disant que ces deux dernières années, c’est comme avoir obtenu mon doctorat chez Deloitte. Je suis peut-être en post-doc à ce stade. Je ne sais pas.

Dimitri Boylan

C’est un peu ce que je voulais dire, et vos compétences… Voulez-vous poursuivre chez Deloitte ? Ou bien voulez-vous vous en détacher et les transmettre… ?

Sean Morris

Je crois qu’en fin de compte, il y a deux choses sur lesquelles nous sommes fondamentalement concentrés. On a passé du temps à parler de l’expérience des talents. Nous nous concentrons avant tout sur nos collaborateurs. Nous sommes très attentifs à nos clients. Il n’y a donc pas de plus grande vocation pour nous que d’être avec nos clients au bout du compte. C’est là que réside la véritable beauté du consulting. Je ne souhaite pas trop m’en éloigner. Je suis toujours sur le marché, j’aide les équipes à trouver des clients. Mais plus au même niveau. Il est donc possible de reprendre cette direction, ce qui ne me déplairait pas du tout.

Dimitri Boylan

Je vois. Je n’attendais pas de réponse définitive.

Sean Morris

Non.

Dimitri Boylan

Non, non. J’ai hâte de voir ce qu’il se passera. Quel échange fantastique. Merci pour votre temps. Je sais votre emploi du temps bien rempli. Je suis ravi d’avoir pu discuter avec vous ici. J’aimerais vous revoir une fois votre projet actuel terminé, pour évoquer vos nouvelles perspectives.

Sean Morris

Merci. J’ai vraiment apprécié cet entretien. L’échange a été passionnant.

Dimitri Boylan

Merci Sean.

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